[LEGIFRANCE] JORF No 0254 DU 31 OCTOBRE 2019
MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR, DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION

 

59 mesures pour un montant total de quatre milliards d’euros sur cinq ans. Officiellement présenté le 29 octobre dernier, le rapport El Khomri* contient de nombreuses propositions pour restaurer l’attractivité des métiers du grand âge et de l’autonomie.

Cinq axes forts ont été identifiés : assurer de meilleures conditions d’emploi et de rémunération, en ouvrant de nouveaux postes, en rénovant les conventions collectives et en mettant en place une initiative nationale ; réduire la sinistralité et améliorer la qualité de vie au travail ; moderniser les formations et changer l’image des métiers ; innover pour transformer les organisations ; garantir la mobilisation et la coordination des acteurs et des financements aux niveaux national et territorial.
L’heure est visiblement à l’urgence. Mal préparée, la France n’est pas encore prête pour affronter une crise démographique sans précédent. « Nous sommes confrontés à un immense défi. Il nous faudra répondre au vieillissement de la population, mais aussi à la volonté des Français de rester chez eux le plus longtemps possible », rappelait très justement l’ex-ministre du Travail de François Hollande, aujourd’hui directrice de S2H Consulting (groupe Siaci Saint-Honoré).

92 300 postes à créer

Mieux rémunérer pour mieux recruter : tel sera l’un des principaux enjeux. Augmentation des salaires, remboursement des frais de déplacement, octroi de véhicules de fonction… Myriam El Khomri identifie plusieurs pistes pour améliorer la « santé financière » des soignants, en particulier dans le secteur de l’aide à domicile, via une modification des conventions collectives. Significatif, le coût de la remise à niveau des rémunérations inférieures au Smic est estimé à 850 millions d’euros sur la période 2020-2024.
Pour faire face à la hausse programmée des besoins liés à la prise en charge des personnes en perte d’autonomie, 92 300 postes d’aides-soignants et d’accompagnants éducatif et social seront également créés au cours des cinq prochaines années, soit un investissement total de 2,25 milliards d’euros.
Près de 500 millions d’euros seront par ailleurs consacrés à la création de plates-formes départementales des métiers du grand âge, une sorte de « guichet unique » visant notamment à sécuriser les recrutements à l’échelle locale.

Vers une suppression du concours d’aide-soignant ?

Pour absorber la demande actuelle et future, Myriam El Khomri suggère de doubler le flux de formation annuel, alors que les candidatures ont chuté de 25 % en cinq ans. Elle recommande notamment la suppression du concours d’aide-soignant, qu’elle considère comme « un frein d’accès à la profession », mais aussi la gratuité de la formation, qui pourrait désormais être accessible via ParcourSup. La question du « manque à gagner » pour les instituts spécialisés est ouvertement posée.
Elle préconise par ailleurs de recourir davantage à l’alternance et à la validation des acquis de l’expérience, et propose que les soignants au contact des personnes âgées et dépendantes suivent une formation spécifique en gérontologie.
Qu’il s’agisse des aides-soignants ou des accompagnants éducatif et social, 352 600 professionnels devront être formés d’ici à 2024. Pour mémoire, 60 000 postes sont actuellement vacants. 200 000 autres sont également menacés par les départs en retraite et le turn-over…

Des mesures complémentaires

D’autres chantiers d’envergure seront parallèlement engagés, à commencer par un programme de lutte contre la sinistralité, trois fois supérieure à la moyenne nationale dans ces deux professions. Financée par les excédents de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, cette action devra contribuer à réduire la proportion actuelle de 25 %. Un montant de 500 millions est prévu à cet effet, avec un renforcement de la logique préventive.
Pour finir, une campagne de communication sur les métiers du grand âge sera prochainement lancée. Dotée d’un budget de 20 millions d’euros, elle devra changer le regard de la société sur des métiers socialement utiles, mais insuffisamment reconnus.
Selon Agnès Buzyn, les propositions du rapport El Khomri constitue « une feuille de route à la fois courageuse, innovante et opérationnelle ». La plupart d’entre elles pourraient d’ailleurs être reprises dans le projet de loi consacré au grand âge, qui devrait être présenté en décembre prochain.

(*) « Plan de mobilisation générale en faveur des métiers du grand âge pour la période 2020-2024 », Myriam El Khomri (octobre 2019).

NB : Suppression du concours d’aide-soignant dès la rentrée 2020, réingénierie de la formation en blocs de compétences, certification de la formation d’assistant en soins de gérontologie, création d’une formation spécifique liée au grand âge… Partie prenante du groupe de travail constitué par le ministère de la Santé, l’ANdEP a étroitement participé à l’élaboration de ces recommandations. Notons également que l’intégration des candidats à la formation d’aide-soignant dans le dispositif ParcourSup n’est pas encore actée. Elle est même peu probable pour la rentrée prochaine.

Publié le 30 octobre dernier, un décret ouvre la voie à la création d’une section de qualification en sciences infirmières, au sein du Conseil national des universités.

Une évolution qui concerne également la maïeutique et les sciences de la rééducation et de la réadaptation. Concrètement, les universités pourront désormais recruter des enseignants-chercheurs pour consolider, avec leurs partenaires au sein des instituts et des écoles, l’ancrage universitaire des formations en santé.

Il s’agit d’une « belle avancée » pour la profession, saluée à l’unisson par l’Ordre national des infirmiers (ONI), le Comité d’entente des formations infirmières et cadre (Cefiec) et l’Association nationale des directeurs d’école paramédicale (ANdEP). « La mesure est technique, mais sa portée symbolique et pratique est considérable », soulignent ces trois entités, dans un communiqué commun. Elles considèrent ce décret comme « une chance pour le système de santé français de rattraper son retard dans des champs de recherche trop souvent délaissés, alors qu’ils sont largement investis dans d’autres pays européens ». Elles y voient également « une opportunité pour la profession d’infirmière – et les autres professions concernées – de mobiliser des chercheurs issus de ses rangs sur des travaux qui amélioreront les connaissances cliniques et la prise en charge des patients, mais aussi la formation des futurs soignants ».

Selon la FHF, 97 % des établissements de santé peinent à recruter des paramédicaux, même s’il s’agit de difficultés ponctuelles pour un tiers d’entre eux, comme le soulignent les auteurs d’une enquête en ligne* à laquelle ont participé 17 CHU, 242 CH et 74 EHPAD, soit plus de 470 000 agents publics hospitaliers.

Sans surprise, les problèmes de recrutement concernent essentiellement les infirmiers et les aides-soignants, devant les métiers de la rééducation et les infirmières spécialisées. Autre évidence mis en exergue, la filière du grand âge est sinistrée. Les EHPAD sont majoritairement confrontés à des postes vacants, avec des jeunes professionnels qui se détournent de plus en plus de ce secteur, alors que le besoins vont croissants.

Parmi les explications avancées par les responsables hospitaliers en ressources humaines, citons notamment l’image délétère de ces métiers, caractérisés par des conditions de travail difficiles et une rémunération globalement insuffisante. La recherche d’un meilleur équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle semble également peser dans la balance. Dans ce contexte délétère, l’exercice libéral est de plus en plus privilégié, notamment par les infirmiers. Trois raisons sont évoquées par la FHF : une meilleure flexibilité organisationnelle, une demande croissante de professionnels intervenants à domicile et un niveau de rémunération plus élevé.

(*) « Attractivité paramédicale et difficultés de recrutement », Fédération hospitalière de France (octobre 2019).

La campagne de vaccination contre la grippe saisonnière a officiellement débuté le 15 octobre dernier. A cette occasion, l’Ordre des infirmiers a déployé un dispositif de communication spécifique, comportant notamment deux affiches ciblées : l’une à l’attention des patients, l’autre à destination des professionnels.

La première doit être apposée sur la devanture des cabinets infirmiers pour signaler la tenue d’une permanence vaccinale au grand public. La seconde rappelle le devoir d’exemplarité de l’infirmier, qui se doit d’être vacciné pour éviter la propagation du virus et protéger les populations les plus fragiles.
Pour appuyer sa démarche, l’Ordre vient de dévoiler les résultats d’une enquête thématique* qui confirme le rôle majeur joué par la profession dans le domaine de la vaccination. Parmi les chiffres-clés : 88 % des répondants disent injecter le vaccin antigrippal.

Rappelons que les infirmiers peuvent désormais vacciner tous les adultes figurant au calendrier vaccinal, y compris les femmes enceintes et les personnes n’ayant jamais été vaccinées, sans prescription préalable du médecin. Fort d’un maillage territorial cohérent, ils bénéficient également de la confiance du grand public. A cet égard, ils constituent un moteur décisif dans la lutte contre l’hésitation vaccinale et l’amélioration d’une couverture populationnelle déclinante, contribuant ainsi à la réduction d’une surmortalité pour partie évitable, notamment chez les personnes âgées.

(*) 5 600 pharmaciens ont répondu à cette enquête menée par l’Ordre des infirmiers, en partenariat avec Tous pour la santé, sur une période de six mois (janvier-juin 2019).

Le 23 octobre dernier, le Premier ministre dévoilait sa stratégie pour soutenir les aidants familiaux, en compagnie de la ministre de la Santé et de la secrétaire d’Etat en charge du Handicap.

Doté d’un budget de 400 millions d’euros sur trois ans (2020-2022), ce plan d’action gouvernemental officialise notamment la création d’un congé indemnisé pour les personnes prenant soin d’un proche malade, âgé ou handicapé, soit entre huit et onze millions de Français.

Versé par la Caisse d’allocation familiale ou les Caisses de la mutualité sociale agricole, il atteindra 43,52 euros par jour pour une personne en couple. Pour une personne seule, il sera de 52 euros. Fractionnable, ce congé spécifique ne pourra toutefois pas excéder plus de trois mois sur l’ensemble d’une carrière, mais il sera automatiquement comptabilisé dans le calcul de la retraite. La mesure sera expérimentée à compter du mois d’octobre 2020, comme le prévoit le PLFSS, actuellement débattu au Parlement. Dès 2022, cette indemnisation coûtera 100 millions d’euros par an à la collectivité. Une somme qui pourrait prochainement croître significativement, en même temps que les bénéficiaires (aujourd’hui estimés à 200 000, ndlr), vieillissement de la population oblige.

D’autres mesures fortes figurent également dans ce dispositif d’aide en faveur des proches aidants, à commencer par l’installation d’un numéro téléphonique national de soutien, la mise en ligne d’une plate-forme numérique d’informations et la construction de lieux « labellisés » pour les recevoir et les orienter vers un accompagnement approprié, au besoin. Il programme par ailleurs la création de 200 000 solutions de répit supplémentaires et la multiplication des initiatives de relayage. Selon le gouvernement, ce plan doit permettre de lutter contre la précarité financière, l’isolement social, l’épuisement, voire le décrochage scolaire pour les plus jeunes.

Selon les résultats d’une enquête réalisée par l’URPS OI*, un tiers des infirmiers libéraux de Mayotte et de l’île de La Réunion envisage de cesser toute activité d’ici cinq ans.

Une nouvelle préoccupante dans des territoires déjà fragilisés par l’augmentation des pathologies chroniques et le vieillissement de la population. Profils, conditions d’exercice, problématiques spécifiques : cette analyse chiffrée compile les réponses fournies par 357 professionnels*, implantés dans ces deux départements d’outre-Mer. Polyvalents et plutôt expérimentés**, les répondants considèrent leurs conditions de travail comme « difficiles ou très difficiles », tant à La Réunion (92 %) qu’à Mayotte (96 %). Ils déplorent également un manque de reconnaissance de leur métier, regrettant notamment des échanges d’informations « limités, peu structurés et peu sécurisés » avec les médecins et les établissements de santé locaux. Un point positif tout de même : les infirmiers réunionnais (82 %) et les infirmiers mahorais (85 %) ont le sentiment que leur travail est reconnu par leurs patients.

(*) « Conditions d’exercice et d’activité des infirmiers libéraux à La Réunion et à Mayotte », URPS Océan Indien/Ipsos, avec le soutien financier de l’ARS OI (septembre 2019).

(**) Les infirmiers réunionnais ont 15 ans d’expérience, en moyenne, contre neuf ans pour les infirmiers mahorais.

Le mois d’octobre aura été particulièrement fertile pour le secteur sanitaire et médico-social.

Outre le plan gouvernemental en faveur des proches aidants et les propositions de Myriam El Khomri visant à « restaurer l’attractivité des métiers du grand âge », la création des sections CNU pour les sciences infirmières, celles de la rééducation et de la réadaptation et de la maïeutique constitue une avancée majeure, qui facilitera notamment la reconnaissance de ces disciplines et la construction des filières.

Il nous appartient désormais de convaincre les universités, éventuellement réticentes, de recruter des enseignants-chercheurs en leur sein.

Au-delà de leurs travaux de recherche, qui permettront l’utilisation de données probantes, ces derniers pourraient être des « passeurs » entre le monde universitaire et celui des instituts de formation, comme le soulignait Isabelle Richard, lors du congrès de la FNESI, auquel participait naturellement l’ANdEP. « Penser la diversité et la complémentarité des rôles entre ces enseignants-chercheurs qui ont une expertise dans le domaine de la recherche et les formateurs en institut de formation qui ont une expertise professionnelle » : tel est le défi proposé pour construire l’avenir.

Autre « révolution de palais », le rapport El Khomri consacre « la nécessité d’apporter une reconnaissance sociale et matérielle à la hauteur de l’engagement quotidien des soignants du grand âge et de l’autonomie », comme le rappelait très justement Agnès Buzyn. Les propositions formulées par l’ancienne ministre du Travail de François Hollande concernent essentiellement les métiers d’aide-soignant et d’accompagnant éducatif et social, mais elles s’inscrivent dans un champ bien plus large, celui de la prise en charge des personnes âgées, dépendantes et handicapées, qu’elles soient en structure ou domicile.

Remaniement de la formation d’aide-soignante de la sélection à la diplomation, restructuration de la formation continue, création d’une culture gériatrique au sein des équipes : les réflexions du groupe de travail piloté par la DGOS vont dans le sens de ce rapport. Tous les changements induits par ces différents travaux, en lien avec « Ma Santé 2022 », doivent maintenant se concrétiser.

Plus que jamais, les directeurs d’institut devront mutualiser les expertises pour élaborer les stratégies les plus adaptées dans le domaine de la formation. Un excellent sujet de discussion qui ne manquera d’alimenter les débats lors de nos journées d’études, organisées les 10 et 11 décembre prochains !