Le PLFSS 2021 traduit l’effort de l’exécutif en faveur du secteur de la santé… au prix d’un creusement abyssal et durable des comptes sociaux. L’an prochain, les dépenses de la branche maladie progresseront a minima de 3,5 %, à 224,6 milliards d’euros. Retour sur les grandes lignes du projet de loi qui sera prochainement débattu au Parlement.
Particulièrement attendu, le PLFSS 2021 a été officiellement présenté le 29 septembre dernier. Caractérisé par un dérapage sans précédent des dépenses de santé et des investissements records, le texte a une portée historique. Le discours officiel résume les enjeux en présence : « C’est un budget marqué par la crise sanitaire, mais c’est aussi un budget de transformation pour le système de santé, résolument tourné vers l’avenir ! » Ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran n’exclut pas pour autant la perspective d’un retour à équilibre des comptes sociaux, refusant catégoriquement de faire porter le chapeau aux générations futures. « Nous devrons imaginer de nouvelles règles, de nouveaux financements et de nouveaux modes de régulation. » Quoi qu’il en soit, la dette devrait néanmoins se stabiliser de façon chronique pendant plusieurs années encore, aux alentours de 20 milliards d’euros. Avalisé par le Parlement, le transfert progressif d’un passif de 136 milliards à la CADES*, dont la durée de vie sera mécaniquement prolongée jusqu’en 2033, n’y changera rien.
Un déficit abyssal
La situation est critique. En fin d’année, le déficit de la Sécurité sociale devrait s’établir à 44,4 milliards d’euros, bien loin des 5,4 milliards initialement budgétés. Cette brutale dégradation est due pour les deux-tiers à la chute des recettes, estimée à près de 27 milliards d’euros. Masques, matériels de protection, molécules utilisées en réanimation, respirateurs, tests RT-PCR, recrutements, arrêts maladie, primes… La crise sanitaire a également fait son office, avec un coût global chiffré à 15 milliards d’euros. Un surplus toutefois compensé par les économies liées à la baisse de la consommation de soins pendant le confinement (4 Mds€), sans oublier la première partie** de la taxe exceptionnelle sur le chiffre d’affaires des mutuelles et des complémentaires santé (1 Md€). Consolidé à dix milliards, cet « effet Covid » s’est notamment soldé par une réévaluation significative de l’Ondam 2020, dont le niveau a été relevé à 7,6 %. En temps normal, il aurait été plafonné à… 2,45 %.
Tant bien que mal, l’exécutif tente de maîtriser les dégâts. A la faveur d’un plan d’économies de 4 milliards d’euros, le « trou de la Sécu » devrait être réduit à 27,1 milliards en 2021. Les produits de santé représenteront près du tiers des coupes effectuées, soit 1,7 milliard. Elles reposeront essentiellement sur des baisses de prix imputées aux médicaments (620 M€) et aux dispositifs médicaux (150 M€). Le potentiel des génériques et des biosimilaires sera également mis à contribution (110 M€).
Un taux d’évolution inédit
Malgré cette rigueur budgétaire apparente, l’Ondam progressera l’an prochain de 3,5 %. Il pourrait même être sensiblement revu à la hausse, si le gouvernement venait à utiliser les crédits provisionnés pour financer l’achat de tests, de masques et de vaccins, mais aussi certaines missions exercées par Santé publique France (4,3 Mds€). Le cas échéant, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie atteindrait alors 6 %. Comme le souligne Olivier Véran, il s’agit d’un « taux d’évolution inédit depuis plus d’une décennie », qui permettra notamment de concrétiser une partie des revalorisations accordées dans le cadre du Ségur de la santé aux praticiens hospitaliers, aux internes et aux paramédicaux exerçant dans les établissements de soins et les EHPAD (5,8 Mds€). Egalement actée en juillet dernier, la reprise du tiers de la dette hospitalière (13 Mds€) sera finalement étalée sur quinze ans, soit jusqu’en 2034. Les premiers versements interviendront cependant l’an prochain.
Autres mesures structurelles de ce texte qui présente tous les attributs d’une loi de santé : le prolongement pour deux ans du remboursement intégral des téléconsultations, la création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale pour la dépendance, l’expérimentation d’un paiement forfaitaire pour les activités de médecine à l’hôpital, la révision et la simplification des dispositifs d’accès aux médicaments innovants ou encore l’allongement de la durée du congé paternité. A noter : le calendrier de la réforme du 100 % Santé n’a pas été modifié.
(*) Caisse d’amortissement de la dette sociale – CADES.
(*) Une contribution supplémentaire de 500 millions d’euros est également prévue au titre de l’exercice 2021. Elle dépendra néanmoins du montant des économies effectivement réalisées par les organismes complémentaires.
(***) La « branche dépendance » sera gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Elle bénéficiera d’un financement propre. 28 milliards d’euros de contribution sociale généralisée lui seront affectés dès 2021.