Lancé le 25 mai, le « Ségur de la santé » réunira pendant plusieurs semaines près de 300 acteurs du système de soins.

Cette concertation inédite s’articulera autour de quatre piliers stratégiques, destinés à réformer un secteur hospitalier en souffrance, voire en déshérence. Étrangement, les représentants de la formation n’ont pas été conviés à ces réflexions, alors même que l’apprentissage incarne plus que jamais le point de départ d’un changement qui se doit d’être structurel et pérenne.

Notre double valence, symbolisée par nos liens tutélaires avec les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, nous a-t-elle exclus de cette discussion ?

Responsables du développement des compétences des futurs professionnels paramédicaux, les directeurs d’instituts sont pourtant des partenaires légitimes du système de soins. Avec le concours des équipes pédagogiques, ils s’attachent à anticiper les besoins dans un cadre désespérément figé, où les référentiels n’évoluent pas ou trop peu.

Est-il nécessaire de rappeler notre rôle pendant la crise pour être entendus ? Nous avons su apporter notre contribution dans les nombreuses structures de soins débordées, souvent dans l’urgence, tout en garantissant la continuité des enseignements, malgré des ressources numériques très inégales selon les territoires. Nous n’avons pas ménagé nos efforts, en optimisant le fonctionnement de nos instituts, sans perdre de vue l’échéance critique de la diplomation des étudiants, un temps remis en cause par un contexte sanitaire très incertain.

Si la crise a mis en exergue des zones de fragilité dans le système de santé, elle a également exacerbé le manque de considération accordé au circuit de la formation et à ses acteurs.

Tandis que les inscriptions sur la plate-forme ParcourSup révèlent un fort engouement pour les professions paramédicales, il serait grand temps de reconnaître et de valoriser le tutorat exercé par des praticiens, l’accueil en stage constituant une étape fondamentale dans la poursuite des études et la construction professionnelle.

Les principales forces vives du secteur de la santé ont été conviées à une vaste concertation pour « tirer les leçons de la crise sanitaire » et « préparer l’avenir ». Tandis que la reconnaissance des soignants sera l’un des principaux axes de la discussion, le faible niveau de représentation des professions paramédicales suscite l’incompréhension et l’indignation.

Deux mois après le discours de Mulhouse, la grande réforme de l’hôpital se dessine. Installé le 25 mai, le « Ségur de la santé » réunira plus de 300 acteurs, chargés d’analyser les forces et les faiblesses d’un système de soins mis à rude épreuve par la crise du Covid-19. Quatre axes stratégiques ont été identifiés : transformer les métiers et revaloriser ceux qui soignent ; définir une nouvelle politique d’investissement et de financement au service des soins ; simplifier radicalement les organisations et le quotidien des équipes ; fédérer les acteurs de la santé dans les territoires au service des usagers. Coordonnés par Nicole Notat, l’ex-secrétaire générale de la CFDT, les travaux engagés devraient déboucher sur des propositions concrètes dans les prochaines semaines. Les premières conclusions sont attendues pour la mi-juillet.

Un chantier prioritaire

Dans son discours inaugural, le Premier ministre a été clair. Il veut aller « plus vite » et « plus loin » dans les réformes, sans pour autant déroger aux grands principes du plan « Ma Santé 2022 ». Une logique qui n’exclut pas, d’après lui, la mise à disposition de moyens nouveaux pour l’hôpital. « Certains niveaux de rémunération n’étaient pas à la hauteur d’un tel engagement. » Edouard Philippe l’a confirmé : la reconnaissance des soignants sera l’un des principaux chantiers de cette concertation.
Outre la « revalorisation significative » des rémunérations, l’évolution des métiers et des carrières sera un sujet central, notamment à l’hôpital. Formation, coopération entre professionnels, pratiques avancées, compétences : les problématiques liées aux ressources humaines ne manquent pas. Les questions du temps de travail et des statuts ne pourront pas être éludées. « Il faudra adapter les conditions d’exercice à la variété des parcours, mais aussi reconnaître l’engagement dans les activités non cliniques, de recherche, d’enseignement ou de management. »

Un financement à revoir

En novembre dernier, le gouvernement avait débloqué 15 milliards d’euros pour l’hôpital public. Parmi d’autres mesures, il avait notamment annoncé la reprise progressive du tiers de la dette hospitalière accumulée, soit dix milliards. Pour renforcer l’autonomie des établissements de soins, un nouveau plan d’aide à l’investissement de proximité devrait être officialisé à l’issue du « Ségur de la santé ». Selon le Premier ministre, une partie des fonds mobilisés devrait même être fléchée vers les territoires pour mieux répondre aux besoins spécifiques de la population.
Autre réforme de fond : le mode de financement des hôpitaux sera certainement revisité. Au-delà de la psychiatrie, des urgences et des soins de suite, la tarification à la qualité des soins prendra progressivement le pas sur la tarification à l’activité, dont la logique inflationniste s’avère coûteuse pour les finances publiques et frustrante pour les soignants. « La T2A ne doit plus être l’unique boussole du financement des activités hospitalières. Essayons de trouver un système plus intelligent et moins ancré sur la nécessité de multiplier les actes pour dégager des recettes », soulignait Edouard Philippe.

Des enjeux connexes, mais déterminants

Relégué au second plan dans cette concertation, le secteur libéral sera néanmoins associé aux réflexions sur la territorialisation des soins. L’enjeu consiste à accroître les coopérations entre la ville, l’hôpital et le médico-social, mais aussi entre le public et le privé. Le Premier ministre veut « libérer les initiatives » et « placer les patients au centre du système de santé », à travers deux mesures clés : la poursuite du déploiement des CPTS (1) et le renforcement de la prise en charge des personnes âgées à domicile. A plus large échelle, la crise des EHPAD appelle une profonde réforme du financement et de l’organisation de la filière de la dépendance, qui fera d’ailleurs l’objet d’une loi thématique au cœur de l’été.
Selon Edouard Philippe, l’intégration des nouvelles technologies devrait également faciliter la transition vers une médecine de parcours. Outre le développement de la télémédecine, il compte sur un partage plus large des données de santé, notamment hospitalières, pour améliorer la connaissance de la maladie et faciliter le suivi des malades. La mise en place d’un espace numérique de santé est plus que jamais d’actualité.

Un oubli de taille

Si la philosophie est claire, la méthode interroge. Absentes des deux groupes de travail, les principales organisations paramédicales crient au scandale. Faute de mieux, il appartiendra à l’UNPS à la FNESI, à la FFPS et à l’ONI de défendre leurs intérêts. Une bien maigre représentation au regard des enjeux liés à la revalorisation des salaires et des métiers, attendue de pied ferme par 720 000 infirmiers et 240 000 aides-soignants, qui n’auront pas ménagé leurs efforts au cours des derniers mois, souvent au péril de leur propre santé. « Au-delà de la nécessaire reconnaissance financière, nous demandons une reconnaissance de la contribution réelle des infirmiers à l’offre de soins. Nous appelons également les pouvoirs publics à engager la révision des textes qui encadrent l’exercice de la profession dans les plus brefs délais. Les infirmiers doivent pouvoir bénéficier d’une véritable logique de carrière, avec un suivi de l’évolution de leurs compétences et de leurs souhaits d’orientation et/ou de spécialisation. » Saine et légitime, la position ordinale ne souffre d’aucune contestation. Sera-t-elle entendue par les pouvoirs publics ou sera-t-elle noyée dans le flot des multiples revendications hospitalières ? Réponse dans quelques semaines.

(1) Communauté professionnelle territoriale de santé – CPTS.

Entre le 1er mars et le 24 mai, 30 230 cas de contamination au nouveau coronavirus chez des professionnels de santé ont été signalés par 1156 établissements de soins publics et privés, implantés dans dix-huit régions.

Précision méthodologique : il s’agit soit d’une infection confirmée par un test PCR, soit d’une infection reconnue comme probable par la « cellule Covid-19 » ou l’infectiologue référent de la structure hospitalière concernée. Selon Santé publique France, les infirmiers (28,5 %) et les aides-soignants (24,1 %) concentrent plus de la moitié des cas, loin devant les médecins (9,6 %) et les internes (3,5 %). Les personnels non soignants représentent également une part non négligeable de ce total (10,3 %).

Les trois régions les plus touchées sont l’Ile-de-France (9201 cas), les Hauts-de-France (4270 cas) et le Grand Est (4070 cas).

Sur la période observée, pas moins de seize décès liés au Covid-19 ont été recensés dans ces établissements de santé, dont quatre aides-soignants.

En Bretagne, 1025 étudiants en soins infirmiers et 682 élèves aides-soignants vont bénéficier d’une prime forfaitaire de 500 euros allouée par le Conseil régional, via les crédits du PRIC* et de l’ARS.

Cette aide exceptionnelle récompensera leur engagement auprès des personnels soignants durant leur période de stage. Complémentaire des indemnités et des bourses attribuées par la région, ce « bonus » sera versé par leur institut de formation au cours du mois de juin. Une condition toutefois : les étudiants éligibles auront dû faire partie d’un service engagé dans la lutte contre la pandémie ou auront dû être redéployés pour renforcer les effectifs d’un établissement hospitalier, d’un établissement médico-social ou d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes pendant au moins quatre semaines… entre le 1er avril et le 31 mai.

(*) Pacte régional d’investissement dans les compétences – PRIC.

Publié le 13 mai dernier, un décret d’application* détermine le cadre des expérimentations devant faciliter la transversalité des formations médicales et paramédicales.

A compter de la rentrée prochaine, les universités comportant « une unité de formation et de recherche de médecine, de pharmacie, d’odontologie, une structure de formation en maïeutique ou une composante qui assure ces formations » pourront s’associer avec des instituts paramédicaux par voie de convention, en fonction de la nature de l’expérimentation. Prévu pour une durée de six ans, ce dispositif expérimental doit permettre de favoriser les échanges entre les formations de santé, de mutualiser les enseignements et d’améliorer l’accès à la formation par la recherche. Il devra notamment renforcer l’acquisition de connaissances et de compétences dans des champs disciplinaires transversaux, mais aussi la capacité des étudiants à travailler au sein d’équipes pluridisciplinaires ou à participer à la production du savoir.

A noter : ce décret détaille par ailleurs les modalités administratives préalables à l’autorisation des projets d’expérimentation, qui devra faire l’objet d’un arrêté co-signé par les ministres chargés de l’Enseignement et de la Santé.

(*) https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041870142

La caisse autonome de retraite et de prévoyance des professions paramédicales s’apprête à débloquer 200 millions d’euros, qui se matérialiseront sous la forme d’aides financières exonérées de toutes charges, pour compenser la baisse d’activité liée à la crise sanitaire.

Non éligibles aux subventions de l’assurance maladie, les pédicures-podologues (1500 euros) et les infirmiers remplaçants (1000 euros) bénéficieront d’un « traitement de faveur » particulier.
Les masseurs-kinésithérapeutes, les orthophonistes et les orthoptistes (1000 euros) ne seront pas laissés pour compte, au même titre que les infirmiers titulaires (500 euros), que leur niveau de perte d’exploitation soit nul ou non. Voté par le conseil d’administration de la Carpimko et soutenu par la FFPS*, ce plan d’aide devait être validé par la DSS**, ultime préalable avant la mise à disposition des fonds, dont l’échéance n’a pas encore été précisée. Défiscalisées et non soumises aux cotisations sociales, ces sommes pourront être versées sur simple demande. Elles seront cumulables avec l’aide octroyée par la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (477 euros).

(*) Fédération française des praticiens de santé – FFPS.
(**) Direction de la Sécurité sociale – DSS.

Le déconfinement n’est pas une fin en soi. C’est une étape cruciale dans la gestion de l’épidémie. Si la question du devenir de nos formations professionnalisantes et universitarisées reste entière, commençons déjà par rendre hommage aux directeurs d’instituts et aux équipes pédagogiques pour leur engagement sans faille au cours des dernières semaines.

Confrontés à une situation exceptionnelle, ils ont dû s’adapter, tant bien que mal. Ils se sont attachés à garantir la continuité des enseignements, quitte à utiliser des moyens dématérialisés qui leur étaient parfois peu familiers. Il nous appartient désormais d’élaborer des stratégies appropriées pour les former à l’usage des outils numériques, qu’il faudra également diffuser plus largement, dans l’intérêt de nos étudiants.

Notre mission est loin d’être terminée. Il convient notamment de repenser la fin du semestre, en déployant des modalités alternatives et progressives, en accord avec les agences régionales de santé, les conseils régionaux, les établissements support ou les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, en ce qui concerne la diplomation. Ces mesures seront naturellement variables d’un territoire à l’autre, mais la notion d’équité devra être privilégiée au sein d’une même région.

Il y a un point crucial sur lequel nous sommes tous d’accord : la diplomation est un enjeu fondamental, peut-être plus encore aujourd’hui, tant les futurs professionnels sont attendus de pied ferme dans les différentes structures de soins. La crise doit nous servir d’exemple, à bien des égards. De toute évidence, il faudra capitaliser sur cette expérience pour préparer la rentrée prochaine, qui approche à grands pas. Il nous faudra composer avec les incertitudes pour accueillir au mieux les futurs étudiants.

Stéphane Le Bouler, responsable de la mission interministérielle consacrée à l’universitarisation des formations paramédicales et de maïeutique : « Préserver l’égalité des chances ! » Continuité pédagogique, validation des enseignements et des stages, modalités d’admission pour la rentrée prochaine : Stéphane Le Bouler analyse les différents impacts de la crise sanitaire sur la formation des professions paramédicales. Il dévoile quelques mesures transitoires, en cours de déploiement.

Quelles seront les modalités d’admission aux formations paramédicales ?

Crise sanitaire oblige, nous avons été amenés à uniformiser les conditions d’accès à l’enseignement supérieur pour les formations paramédicales. Il n’y aura ni concours ni oraux cette année. Les admissions se feront uniquement sur dossier. Tous les étudiants seront logés à la même enseigne. Ces règles s’appliqueront notamment aux filières nouvellement accessibles via la plate-forme Parcoursup, à savoir l’audioprothèse, l’ergothérapie, l’orthophonie, l’orthoptie, la pédicurie podologie et la psychomotricité. Les concours redeviendront possibles en ergothérapie ou en psychomotricité dès 2021. Les entretiens seront également rétablis en orthoptie et en orthophonie. Même si ces modalités sont pour partie différentes du plan de marche initial, Parcoursup nous permet de faire face à une situation exceptionnelle, essentiellement parce qu’il s’agit d’une procédure dématérialisée.

Comment assurer la continuité pédagogique en plein confinement ?

La problématique est double. Il y a la question de l’accès, mais il y a aussi la question des contenus. Nous tâchons de faciliter le recours à des outils numériques pertinents ou à des supports technologiques fiables. Plusieurs milliers d’étudiants en soins infirmiers ont ainsi pu prolonger leur apprentissage, en se connectant à la plate-forme de la Croix-Rouge française. L’UNESS* a également ouvert l’accès à sa bibliothèque et à ses contenus pédagogiques, qui profitent au plus grand nombre. Nous mettons actuellement tous les moyens logistiques en œuvre pour réduire les pertes de chance. La continuité des enseignements n’a pas été interrompue dans la plupart des cas, y compris pour les formations paramédicales, même si les résultats peuvent varier selon les établissements et les régions.

Quid de la validation des formations ? L’ANdEP participe-t-elle à la discussion ?

Le sujet est à l’étude, en lien étroit avec la DGOS**. Des modalités d’évaluation alternatives, qui tiennent compte des impacts liés au Covid-19, sont mises en œuvre. Les étudiants qui n’auront pas pu être accueillis en stage ne devront pas être pénalisés. Idem pour les formations théoriques qui n’auront pas pu aller à leur terme, dans des conditions normales et équitables. L’ANdEP a toute sa place dans cette réflexion. Sa légitimité n’est plus à démontrer. Elle dispose d’une vision transversale sur l’ensemble des formations paramédicales. Elle participe activement aux réformes en cours, à commencer par le processus d’universitarisation de certaines filières (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeutes…).

(*) Université numérique en santé et sport – UNESS
(**) Direction générale de l’offre de soins – DGOS.

Protéger, dépister et isoler : telle sera la stratégie du gouvernement, qui n’hésitera pas à durcir le ton si les principaux indicateurs de santé publique venaient à se dégrader d’ici au 2 juin. Au regard de l’immunité collective acquise, la menace d’une seconde vague épidémique n’est pas à exclure…

Il s’agit d’une étape cruciale dans la gestion de l’épidémie. A compter du 11 mai, le déconfinement sera total, exception faite de Mayotte, où la diffusion du virus n’est pas totalement maîtrisée. Sur la corde raide, l’Ile-de-France bénéficie d’un sursis. « Le nombre de personnes contaminées diminue, mais reste plus élevé que prévu. Cette réalité épidémiologique dans une région aussi peuplée, où les interactions sont si nombreuses, nous impose une discipline renforcée », précisait Edouard Philippe, le 7 mai dernier. Des mesures restrictives ont donc été décidées, en particulier dans les transports en commun, probable vecteur de diffusion du Covid-19. En conséquence, le port du masque sera obligatoire dès l’âge de onze ans, sous peine d’être sanctionné d’une amende de 135 euros. Aux heures de pointe (6h30-9h30 ; 16h-19h), les voyageurs seront également tenus de justifier leurs déplacements. Ils devront impérativement disposer d’une « attestation de leur employeur » ou d’un « motif impérieux » pour échapper à la verbalisation. Un durcissement des contraintes n’est pas à exclure « si la distanciation physique n’était pas appliquée et si la situation ne s’améliorait pas », a prévenu le Premier ministre.

Trois indicateurs clés

Un temps évoqué pour des motifs de sécurité, les personnes âgées, handicapées et les malades chroniques ne seront finalement pas mis au ban de la société, y compris sur les terres franciliennes. Edouard Philippe a néanmoins lancé un appel à la vigilance et à la responsabilité : « Les plus fragiles d’entre nous devront continuer à observer des règles strictes, comparables à celles du confinement. Toutes les précautions devront être respectées. »
Outre Mayotte et l’Ile-de-France, trois autres régions figuraient en rouge sur la nouvelle carte du déconfinement, à savoir les Hauts-de-France, la Bourgogne-Franche-Comté et le Grand Est. Sur ces territoires, comme dans le reste du pays, trois indicateurs clés seront analysés quotidiennement : le niveau de circulation du virus, le taux d’occupation des lits de réanimation et la capacité à réaliser des tests virologiques en nombre suffisant. Pour les deux premiers « marqueurs », le résultat agrégé sera obtenu à partir de la moyenne des sept derniers jours.
Au regard des multiples incertitudes, le processus de déconfinement sera « progressif », indiquait Edouard Philippe. Il est également soumis à conditions. Un premier bilan sera effectué le 2 juin, avec la levée hypothétique de certaines restrictions (attestations obligatoires, circulation dans un rayon de plus de 100 km…) et la réouverture potentielle de certains établissements (bars, restaurants, cinémas, lycées…). Au-delà de 3 000 nouveaux cas par jour, des interdits supplémentaires sont à craindre…

Trois grandes priorités

Pour réussir son pari, l’exécutif a retenu trois grandes priorités : protéger, dépister et isoler. La prévention du risque reposera essentiellement sur les gestes barrières et la distanciation sociale. Le port du masque sera également recommandé, voire obligatoire. En matière de dépistage, le gouvernement dit être en mesure de réaliser 700 000 tests virologiques par semaine. Un seuil critique qui tient compte du potentiel de contamination (1 000 à 3 000 nouveaux cas chaque jour) et du nombre moyen de contacts attendus par individu (environ 25). Les patients diagnostiqués positifs au nouveau coronavirus seront placés à l’isolement (volontaire), soit chez eux soit dans un hôtel réquisitionné par l’Etat, si la quatorzaine présente un danger pour l’un des occupants du foyer. « Cette stratégie doit nous permettre de contenir la propagation du virus et de restaurer les capacités initiales des services de réanimation », rappelait Olivier Véran.
En toile de fond, le traçage numérique fera le lien entre les différents niveaux d’action envisagés. Deux dispositifs joueront un rôle décisif : Contact Covid et Stop Covid. Le premier doit faciliter l’identification et la documentation des contacts du malade dans son cercle familial et dans son entourage proche, avec le concours des médecins généralistes, de l’assurance maladie, des ARS et de Santé publique France. Le second, plus controversé, élargira le champ des interactions à ses moindres déplacements via une application mobile, en cours de développement. Pour des raisons technologiques et politiques, l’outil ne sera pas opérationnel avant le 2 juin, au mieux. Il est globalement perçu comme une menace pour la vie privée et les libertés individuelles.

Un premier bilan positif, mais…

Au terme d’un périple de huit semaines, l’heure du premier bilan a sonné. Contraignant, le confinement aura cependant été efficace. Une étude de l’EHESP* affirme que 60 000 vies humaines ont pu être sauvée entre le 17 mars et le 15 avril, hors EHPAD. Sans cette « assignation à domicile », 105 000 lits de réanimation auraient été requis au 20 avril, soit dix fois plus que la disponibilité maximale des établissements de santé, qui avait pourtant doublé depuis le début de l’épidémie. Autres chiffres significatifs : 590 000 hospitalisations et 140 000 admissions en soins intensifs ont pu être évitées. Selon une étude épidémiologique menée par des chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS*, le confinement aura eu un impact positif sur le R0***, soit le nombre de personnes contaminées par chaque malade, qui a chuté de 84 %.
L’arbre ne doit pas cacher la forêt. A la date du 11 mai, près de 6 % des Français devraient avoir été infectés par le SARS-CoV-2, avec une proportion toutefois plus importante en Ile-de-France (12,3 %) et dans le Grand Est (11,8 %). L’Institut Pasteur est formel : l’immunité collective nécessaire est actuellement estimée à 70 %. « Des efforts importants devront être maintenus dans la durée pour éviter une reprise de l’épidémie », prévient la fondation privée à but non lucratif. La mise en garde est explicite. Le gouvernement semble l’avoir entendue, en adoptant des dispositions conformes aux recommandations scientifiques. Seront-elles suffisantes pour autant ? Une chose est sûre : en l’absence d’un vaccin et/ou d’un traitement, il faudra apprendre à vivre avec le virus pendant de longs mois encore.

(*) « Covid-19 : one-month impact of the french lockdown on the epidemic burden », Ecole des hautes études en santé publique (avril 2020)
Cnsultez https://www.ehesp.fr/wp-content/uploads/2020/04/Impact-Confinement-EHESP-20200322v1-1.pdf
(**) « Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France », Institut Pasteur/CNRS (avril 2020) : https://hal-pasteur.archives-ouvertes.fr/pasteur-02548181
(***) Selon l’Institut Pasteur, le R0 est passé de 3,3 à 0,5 pendant le confinement.