L’année se termine dans la confusion la plus totale.

La situation politique actuelle rend incertaine la gouvernance du pays, mais elle questionne plus largement le devenir de plusieurs réformes stratégiques pour le système de santé. A l’image de la refonte du métier et de la formation des infirmiers, certaines avancées seront-elles remises en cause par le futur gouvernement et la nouvelle Assemblée nationale ? Difficile à dire…

Certaines promesses devront néanmoins être tenues. En dépit de leurs nombreux appels, qui se sont intensifiés ces dernières semaines, les infirmiers en pratique avancée attendent toujours la généralisation de l’accès direct et de la primo-prescription, deux textes fondateurs prévus par la loi Rist. L’ANdEP se joint naturellement aux nombreuses instances qui se mobilisent pour réclamer la publication immédiate du décret et de l’arrêté afférents.

Peu importe la composition du nouveau gouvernement, la place et le rôle des IPA devront également être confortés, malgré les réticences de certains médecins, qui refusent toujours de voir leur influence croître dans le paysage sanitaire. Il en va pourtant de la santé des Français, dans un contexte aggravé par le vieillissement, la chronicité et la pénurie. Tous les sondages le démontrent : l’accès aux soins est l’une de leurs trois grandes priorités, avec le pouvoir d’achat et la sécurité.

En attendant la rentrée, nous vous souhaitons de passer un très bel été. Nous vous donnons rendez-vous dès la rentrée pour défendre les intérêts de nos métiers, qui coïncident avec ceux de nos patients et du système de santé.

Les résultats des élections législatives plongent le pays dans une situation inédite. Quelle que soit sa composition, le futur gouvernement devra œuvrer sans véritable majorité, ce qui pourrait ralentir sinon compromettre les nécessaires réformes du système de santé. Explications.

Les élections législatives devaient être un exercice de « clarification » du paysage politique français, mais le résultat des urnes plonge le pays dans une crise institutionnelle inédite. A l’issue de ce scrutin, marqué par un taux de participation important, le Nouveau Front populaire devance Ensemble pour la République et le Rassemblement National, mais cette « alliance des gauches » ne pourra pas gouverner seule, faute de majorité absolue à l’Assemblée. Au-delà des postures et des revendications de chacun, la composition du futur gouvernement fait inévitablement débat. Dans une lettre aux Français, publiée dans la presse régionale, Emmanuel Macron donne de premières indications. Il demande notamment « aux forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines de bâtir une majorité solide ». Il promet également de nommer un nouveau Premier ministre, une fois que les partis auront construit des « compromis », ce qui suppose de leur laisser « un peu de temps ». En attendant, le gouvernement actuel « continuera d’exercer ses responsabilités puis sera en charge des affaires courantes comme le veut la tradition républicaine ». Complexe et incertaine, la situation pourrait prendre une tournure plus concrète dès la reprise des travaux parlementaires, le 18 juillet prochain.

Incertitudes…

Ce changement de majorité aura-t-il des incidences sur les réformes engagées durant la précédente mandature, en particulier dans le champ de la santé ? Expérimentation de l’accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes en CPTS, création de la fonction d’infirmier référent, adaptation de la primo-prescription par les opticiens… Trois décrets issus des lois Rist et Valletoux ont finalement été publiés fin juin. Malgré les promesses, la généralisation de l’accès direct et du droit de primo-prescription ne sont toujours pas devenus réalité pour les infirmiers en pratique avancée. Leur instance représentative, qui exige la publication immédiate du décret et de l’arrêté afférents, peut notamment compter sur le soutien de l’Association des maires de France, qui appuie également cette demande. « Face aux difficultés croissantes d’accès aux soins, nous plaidons pour que des mesures soient prises en urgence. Ces textes peuvent permettre à un plus grand nombre de citoyens d’accéder à une offre de soins de qualité en proximité ainsi qu’à une permanence des soins, compte tenu du maillage territorial des infirmiers, tout en conservant le rôle central du médecin traitant », écrivait David Lisnard, son président, dans un courrier récemment adressé au ministre délégué en charge de la Santé et de la Prévention. Autre requête formulée dans ce même courrier : l’AMF sollicite la levée des freins administratifs qui entravent le remboursement des actes réalisés par les IPA.

Des attentes claires

Autre chantier prioritaire : les différents représentants de la profession réclament la poursuite et la concrétisation des travaux sur la refonte du métier et de la formation des infirmiers. Dans un communiqué publié mi-juillet, le SNIIL dévoile ses attentes vis-à-vis des nouveaux députés : « La loi sur la refonte du métier, qui devait être présentée la semaine suivant la dissolution, est essentielle pour la profession car elle doit permettre de redéfinir le rôle propre de l’infirmier, qui n’a pas ou peu évolué depuis la loi du 31 mai 1978. » Cette avancée législative est d’autant plus importante qu’elle conditionnera une autre étape déterminante dans ce processus de reconnaissance et d’autonomie : l’ouverture de négociations conventionnelles avant la fin de cette année. « Ces négociations sont extrêmement attendues par les infirmiers libéraux, dont les actes n’ont pas été revalorisés depuis quinze ans. Nous ne pouvons pas tolérer que la profession fasse à nouveau les frais de l’instabilité politique ambiante », insiste le syndicat, qui revendique par ailleurs de nouvelles missions et des rémunérations adéquates. Dans cette période troublée, la nouvelle Assemblée nationale priorisera-t-elle ces sujets ? Quelle que soit sa composition, le futur gouvernement devra négocier des accords et des majorités au cas par cas, ce qui pourrait ralentir sinon compromettre les nécessaires réformes du système de santé.


Illustration : Rawpixel

En marge des Jeux olympiques et paralympiques, qui se tiendront prochainement dans différentes villes du pays, le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités vient de lancer une campagne de communication inédite.

Son objectif : favoriser un juste recours au système de santé durant cette période de forte affluence. Intitulée « Besoin d’un médecin ? Suivez le bon chemin », cette opération spéciale rappelle la conduite à tenir pour éviter toute saturation des services publiques de santé. Il est notamment recommandé de solliciter son médecin traitant en première intention. Faute de disponibilité, il est ensuite conseillé de consulter la carte des lieux de soins sur le site www.sante.fr. Sans la moindre solution pour des soins non programmés dans un délai raisonnable ou pour des urgences vitales, le 15 devra être composé en priorité. Traduite en langue anglaise, cette campagne comporte un volet destiné aux ressortissants étrangers, afin de les sensibiliser aux bons gestes.

NB : cette campagne de communication sera diffusée sur les réseaux sociaux, dans la presse et à la radio, mais aussi dans les commerces de proximité, jusqu’au 30 septembre.


Illustration : Capture d’écran

Dans une décision rendue mi-juin, le Conseil d’Etat valide définitivement le principe d’un accès direct en deuxième année de soins infirmiers pour les aides-soignants expérimentés.

La plus haute juridiction administrative du pays a donc choisi de rejeter le recours déposé en septembre dernier par six organisations infirmières, dont la FNESI, le CEFIEC, l’ANDPE et le SNPI, qui dénonçaient un texte inadapté aux exigences du métier et en complet décalage avec la montée en compétences des infirmiers, non sans insister sur les pertes de chance encourues par les patients. Selon les modalités initialement prévues par l’arrêté du 3 juillet 2023 et la circulaire ministérielle qui encadrait la mise en œuvre de cette réforme, les aides-soignants justifiant d’au moins trois ans d’expérience à temps plein sur les cinq dernières années et sélectionnés par la voie de la formation professionnelle continue pourront directement intégrer la deuxième année de formation d’infirmier, après avoir suivi un parcours spécifique de formation validé d’une durée de trois mois.


Photo : Philippe Changon / Cocktail Santé

Selon les modalités prévues par un décret publié début juillet, les jeunes diplômés paramédicaux devront avoir exercé au moins deux ans avant de pouvoir effectuer une mission en intérim, que ce soit dans un établissement de santé, un laboratoire de biologie médicale ou un établissement ou service social ou médico-social.

Cette réforme, qui concerne directement les infirmiers, les aides-soignants, les éducateurs spécialisés, les assistants de service social, les moniteurs-éducateurs ou encore les accompagnants éducatifs et sociaux des établissements et services sociaux et médico-sociaux, comporte quatre grands objectifs : sécuriser et améliorer l’exercice des jeunes professionnels, en leur permettant d’évoluer au sein de collectifs de travail pérennes dans cette étape cruciale que représente le début de leur carrière professionnelle ; stabiliser les équipes et les collectifs de travail au sein des établissements sanitaires et médico-sociaux ; garantir la qualité et la sécurité des soins pour les patients, avec un accompagnement renforcé des jeunes professionnels en début de carrière ; limiter les effets délétères de la concurrence salariale à laquelle se livrent les établissements sanitaires et médico-sociaux et les entreprises de travail temporaire.

NB : ce décret a été pris en application de l’article 29 de la loi Valletoux.


Illustration : Capture d’écran

Une expérimentation inédite est actuellement menée dans le nord-ouest vendéen.

Dans le cadre du projet ESCoRTer, une équipe de soins coordonnés référente territoriale sera progressivement déployée dans des zones déficitaires en offre de soins… disposant de locaux vacants. Les patients les plus fragiles et sans médecin traitant seront privilégiés. Les ambitions de ce dispositif expérimental sont clairement affichées : améliorer la qualité des soins, le dépistage et la prévention ; diminuer les prises en charge en urgence et éviter des hospitalisations ; renforcer l’attractivité du territoire et favoriser l’installation de nouveaux médecins ; consolider les liens entre les professionnels de santé et les collectivités. Soutenue par l’ARS des Pays de la Loire et la CPAM de Vendée, cette initiative multi-partenariale concernera dans un premier temps trois communes du département*, qui bénéficieront d’une présence médicale renforcée avec le concours de nombreux professionnels de santé de proximité, dont des infirmiers en pratique avancée.

(*) Beauvoir-sur-Mer (juin 2024), Froidfond (dernier trimestre 2024) et La-Barre-de-Monts (2026).

Dans une étude publiée fin juin, la Drees se penche sur les problématiques démographiques des infirmiers et des aides-soignants.

Premier enseignement de cette analyse statistique : les effectifs de ces deux professions ont augmenté entre 2013 et 2021. Une progression encourageante qui est toutefois marquée par de « fortes disparités entre les secteurs d’activité et les territoires ». Autre constat majeur : cette évolution démographique demeure trop lente et pour le moins insuffisante, les professionnels en activité étant de plus en plus âgés. Selon la Drees, la répartition démo-géographique actuelle des infirmiers et des aides-soignants ne permettra pas de répondre efficacement aux besoins de la population, qui croît mécaniquement sous les effets conjugués du vieillissement et de la prévalence des maladies chroniques. Une adaptation des politiques publiques et de formation paraît donc indispensable pour améliorer l’accès aux soins des Français.

NB : la France comptait environ 600 000 infirmiers et 425 000 aides-soignants en activité en 2021. Une proportion qui les positionne loin devant les médecins (228 000), les kinésithérapeutes (91 000) et les pharmaciens (74 000).


Photo : Philippe Changon / Cocktail Santé