Brutalement interrompue par la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier, la loi infirmière revient sur le devant de la scène parlementaire. La profession retrouve espoir, mais la partie est loin d’être gagnée. Réactions.

Une proposition de loi visant à « faire évoluer les missions dévolues aux infirmiers et aux infirmières » a été officiellement déposée le 18 novembre dernier. Rédigée par Nicole Dubré-Chirat et Frédéric Valletoux, deux députés Horizons, cette PPL repose sur quatre grands piliers : redéfinir les missions des infirmiers, créer une consultation infirmière, autoriser la prescription et renforcer la pratique avancée. « Ce texte reconnaît le rôle essentiel qu’occupent les 640 000 infirmiers et infirmières dans l’accès aux soins », déclarait l’ancien ministre de la Santé et de la Prévention, sur le réseau social X, à la suite de son dépôt au Parlement.
Sans surprise, les principales organisations professionnelles ont affiché publiquement leur satisfaction, mais elles se montrent néanmoins prudentes. Sur le même réseau social, l’Ordre national des infirmiers salue une décision bénéfique et très attendue, tant par la profession que la population, mais réclame la prise en compte des soins relationnels dans le chapitre des missions. « La redéfinition des missions infirmières contenues dans ce texte sera aussi indispensable pour redonner de l’attractivité au métier infirmier et reconnaître le rôle essentiel de la profession dans l’accès aux soins », soulignait la FNI, dans un communiqué publié quelques jours plus tard. Evoquant un « tournant essentiel » pour le IDEL, le SNIIL sera « vigilant quant au contenu final du texte qui doit conduire à plus d’autonomie pour la profession et à plus de reconnaissance de ses compétences ».

Une première étape…

Quel sera le sort réservé à la proposition de loi Dubré-Chirat/Valletoux et quand sera-t-elle examinée ? Ces questions, cruciales pour la profession, sont pour l’instant sans réponse. Une chose est sûre : cette évolution aura les faveurs de l’opinion. Selon un récent sondage mené par ELABE pour le compte de l’ONI, 85 % des répondants se disaient favorables à une meilleure reconnaissance et un élargissement des compétences des infirmiers pour améliorer l’accès aux soins. Autre chiffre clef : 83 % d’entre eux déclaraient faire confiance aux infirmiers pour exercer de nouvelles missions et jouer un rôle plus important auprès des patients.

Aussi fondamentale soit-elle, cette PPL n’est pas la seule pièce manquante du puzzle de la réforme infirmière. Le décret sur les compétences, qui doit passer sous les fourches caudines du Conseil d’Etat, et l’arrêté listant les différents actes infirmiers, qui doit être rédigé par la Direction générale de l’offre de soins, manquent encore à l’appel. Réclamée par les syndicats, sans attendre l’examen de la proposition de loi, l’ouverture des négociations conventionnelles avec l’Assurance Maladie sera également un paramètre déterminant dans la conduite du changement. La refonte du référentiel de formation sera par ailleurs un enjeu majeur. Sa mise en application est programmée en septembre prochain, mais les IFSI ne pourront pas tenir le délai si les textes afférents ne sont pas publiés dans les deux ou trois prochains mois. Des voix s’élèvent déjà pour reporter cette échéance, faute de temps pour la préparer sereinement.


Photo : Frédérik Astier / Cocktail Santé

Au même titre que les médecins, les pharmaciens et les sages-femmes, les infirmiers peuvent désormais proposer des bilans de prévention aux âges clés de la vie.

La FNI y voit une « opportunité unique » pour la profession de démontrer son utilité et ses compétences : « La relation de confiance privilégiée que les IDEL entretiennent avec leurs patients est un atout incontestable pour la réussite de cette action. Mais c’est aussi un défi. En s’emparant de ce dispositif, les IDEL rendent visible leur rôle en matière de prévention et ouvrent la voie au développement de nouvelles missions de santé publique, donc à la reconnaissance de la profession. » Ces rendez-vous personnalisés sont intégralement pris en charge, sans avance de frais, par l’Assurance Maladie. Ils doivent faciliter le repérage précoce des facteurs de risque de maladies chroniques et autres pathologies évitables, tout en incitant les patients à devenir acteurs de leur propre santé. Mon Bilan Prévention cible quatre tranches d’âge, soit les 18-25 ans, les 45-50 ans, les 60-65 ans et les 70-75 ans.

NB : un bilan de prévention ne peut être effectué qu’une seule fois par personne et par tranche d’âge. Les effecteurs sont rémunérés à hauteur de trente euros.

A l’instar de la loi infirmière, le « dossier IPA » pourrait prochainement trouver une issue favorable.

Selon les quatre organisations représentatives de la profession, qui ont récemment rencontré les conseillers santé du gouvernement, les textes encadrant l’accès direct et la primo-prescription pourraient être publiés dans les prochaines semaines, et probablement même avant la fin de cette année. Certaines modifications sont toutefois prévues par rapport à la version initiale de la loi Rist 2. Le projet de décret, qui précisera notamment la liste des médicaments et des prestations pouvant être prescrits sans avis médical par les infirmiers en pratique avancée, est actuellement examiné par le Conseil d’Etat. Il définira également les conditions dans lesquelles les patients pourront accéder aux IPA.

NB : la loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite Loi Rist 2, a été promulguée le 19 mai 2023. La parution de plusieurs textes d’application, dont ceux concernant le droit de primo-prescription et l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée, a été retardée par la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier.


Photo : Frédérik Astier / Cocktail Santé

77 % des étudiants en soins infirmiers ont envisagé d’abandonner leurs études en 2024.

Telle est la principale conclusion de l’enquête menée par la plateforme d’apprentissage Réussis ton IFSI et l’association SPS qui formulent plusieurs propositions « immédiatement applicables » pour améliorer leurs conditions de formation, favoriser leur santé et leur bien-être, les soutenir et les accompagner dans leur réussite. Comment ? En mettant en place des stratégies ciblées pour améliorer l’encadrement des stages (programmes de mentorat et de soutien par les pairs), le soutien psychologique (ateliers de prévention de l’épuisement professionnel, plateforme d’entraide et de partage d’expériences, outils de gestion du stress et de l’équilibre vie personnelle/professionnelle, journées bien-être pour les étudiants) et l’adaptation des programmes académiques.

Stress et anxiété, violences sexistes et sexuelles, précarité financière, pensées suicidaires… Cette enquête révèle des points de fragilité importants qui nécessitent une « intervention urgente » des pouvoirs publics. Un chiffre hautement symbolique révèle témoigne de l’ampleur du mal être étudiant : seuls 9 % des ESI ne rencontrent aucune difficulté durant leur formation.

NB : cette enquête a été réalisée entre le 18 mai et le 16 juin derniers. Elle a recueilli plus de 6 202 réponses.


Photo : Philippe Chagnon / Cocktail Santé

A l’occasion des Etats généraux de la formation et de la recherche médicales, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Patrick Hetzel, a dévoilé ses ambitions et ses propositions concernant la réforme des études de santé qui mériteraient, selon lui, le « statut de Grande Cause nationale ».

Outre une plus grande ouverture vers les métiers intermédiaires de la santé, le successeur de Sylvie Retailleau entend notamment promouvoir la diversité des parcours et des profils pour mieux répondre aux besoins des territoires, mais aussi améliorer la lisibilité et l’accompagnement des étudiants vers les métiers du soin.

Patrick Hetzel souhaite par ailleurs élargir les reconnaissances universitaires des professions de santé dans le cadre d’un travail interministériel. De son côté, la nouvelle ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, Geneviève Darrieussecq a évoqué la nécessité de « former plus, de former mieux et de former partout », non sans souligner la « hausse considérable » du nombre d’étudiants admis ces dernières années dans les études de médecine, d’odontologie, ou encore dans les IFSI et dans les IFAS.


Photo : Philippe Chagnon / Cocktail Santé

Prévenir, repérer et agir.

Dans le cadre de la lutte contre la maltraitance familiale et institutionnelle, la HAS vient de publier deux guides pratiques pour permettre aux professionnels de santé de mieux repérer et de mieux accompagner les victimes de violences interpersonnelles.

Le premier est destiné aux acteurs qui interviennent à domicile et le second aux personnels des établissements.

La Haute Autorité de santé définit trois contextes spécifiques : la maltraitance envers les personnes âgées, les violences conjugales et la violence des enfants envers leurs parents. Ces deux guides comportent des grilles de repérage spécifiques selon quatre grands niveaux : les vigilances fortes, les signaux d’alerte, les facteurs de risque et les facteurs de protection.

Ils sont illustrés par des cas pratiques pour faciliter la tâche des professionnels de santé, que ce soit pour évaluer la situation ou trouver des solutions.


Photo : Luc Seba / Cocktail Santé

Faut-il ajouter une quatrième année de formation en soins infirmiers ? La question n’est pas simple. La décision non plus.

Depuis plusieurs semaines, le CNP plaide ouvertement en faveur de cette option, qui permettrait notamment de combler le déficit de quatre cents heures par rapport aux normes imposées dans la directive européenne. Ce serait aussi une forme de reconnaissance professionnelle qui nous rapprocherait des masseurs-kinésithérapeutes, dont la formation est composée de deux cycles de deux ans. Les ergothérapeutes sont demandeurs…

Dans un contexte délétère, marqué par une dégradation notable de la santé physique, mentale et financière de nos étudiants, pourront-ils seulement le supporter ? Un allongement de la durée de formation pourrait permettre de décharger les emplois du temps, mais il ne règlerait pas tous les problèmes, en particulier sur le plan économique. Autre enjeu majeur : comment présumer de ce que pourraient être les besoins en matière de formation sans connaître le contenu de nos futures missions ? Si elles sont considérablement élargies, cette évolution sera peut-être nécessaire.

La quatrième année de formation en soins infirmiers reste un sujet sensible et incertain. Espérons que la loi infirmière, qui incarne un nouvel espoir pour notre profession, nous permette rapidement d’y voir plus clair.