Les résultats des élections législatives plongent le pays dans une situation inédite. Quelle que soit sa composition, le futur gouvernement devra œuvrer sans véritable majorité, ce qui pourrait ralentir sinon compromettre les nécessaires réformes du système de santé. Explications.

Les élections législatives devaient être un exercice de « clarification » du paysage politique français, mais le résultat des urnes plonge le pays dans une crise institutionnelle inédite. A l’issue de ce scrutin, marqué par un taux de participation important, le Nouveau Front populaire devance Ensemble pour la République et le Rassemblement National, mais cette « alliance des gauches » ne pourra pas gouverner seule, faute de majorité absolue à l’Assemblée. Au-delà des postures et des revendications de chacun, la composition du futur gouvernement fait inévitablement débat. Dans une lettre aux Français, publiée dans la presse régionale, Emmanuel Macron donne de premières indications. Il demande notamment « aux forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines de bâtir une majorité solide ». Il promet également de nommer un nouveau Premier ministre, une fois que les partis auront construit des « compromis », ce qui suppose de leur laisser « un peu de temps ». En attendant, le gouvernement actuel « continuera d’exercer ses responsabilités puis sera en charge des affaires courantes comme le veut la tradition républicaine ». Complexe et incertaine, la situation pourrait prendre une tournure plus concrète dès la reprise des travaux parlementaires, le 18 juillet prochain.

Incertitudes…

Ce changement de majorité aura-t-il des incidences sur les réformes engagées durant la précédente mandature, en particulier dans le champ de la santé ? Expérimentation de l’accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes en CPTS, création de la fonction d’infirmier référent, adaptation de la primo-prescription par les opticiens… Trois décrets issus des lois Rist et Valletoux ont finalement été publiés fin juin. Malgré les promesses, la généralisation de l’accès direct et du droit de primo-prescription ne sont toujours pas devenus réalité pour les infirmiers en pratique avancée. Leur instance représentative, qui exige la publication immédiate du décret et de l’arrêté afférents, peut notamment compter sur le soutien de l’Association des maires de France, qui appuie également cette demande. « Face aux difficultés croissantes d’accès aux soins, nous plaidons pour que des mesures soient prises en urgence. Ces textes peuvent permettre à un plus grand nombre de citoyens d’accéder à une offre de soins de qualité en proximité ainsi qu’à une permanence des soins, compte tenu du maillage territorial des infirmiers, tout en conservant le rôle central du médecin traitant », écrivait David Lisnard, son président, dans un courrier récemment adressé au ministre délégué en charge de la Santé et de la Prévention. Autre requête formulée dans ce même courrier : l’AMF sollicite la levée des freins administratifs qui entravent le remboursement des actes réalisés par les IPA.

Des attentes claires

Autre chantier prioritaire : les différents représentants de la profession réclament la poursuite et la concrétisation des travaux sur la refonte du métier et de la formation des infirmiers. Dans un communiqué publié mi-juillet, le SNIIL dévoile ses attentes vis-à-vis des nouveaux députés : « La loi sur la refonte du métier, qui devait être présentée la semaine suivant la dissolution, est essentielle pour la profession car elle doit permettre de redéfinir le rôle propre de l’infirmier, qui n’a pas ou peu évolué depuis la loi du 31 mai 1978. » Cette avancée législative est d’autant plus importante qu’elle conditionnera une autre étape déterminante dans ce processus de reconnaissance et d’autonomie : l’ouverture de négociations conventionnelles avant la fin de cette année. « Ces négociations sont extrêmement attendues par les infirmiers libéraux, dont les actes n’ont pas été revalorisés depuis quinze ans. Nous ne pouvons pas tolérer que la profession fasse à nouveau les frais de l’instabilité politique ambiante », insiste le syndicat, qui revendique par ailleurs de nouvelles missions et des rémunérations adéquates. Dans cette période troublée, la nouvelle Assemblée nationale priorisera-t-elle ces sujets ? Quelle que soit sa composition, le futur gouvernement devra négocier des accords et des majorités au cas par cas, ce qui pourrait ralentir sinon compromettre les nécessaires réformes du système de santé.


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