Dans un référé adressé au ministère des Solidarités et de la Santé (voir ici), la Cour des comptes fustige les « grandes difficultés de fonctionnement de l’Ordre national des infirmiers ».

Elle pointe notamment un défaut d’inscription, une gestion erratique des plaintes et une déontologie insuffisamment contrôlée. Des dysfonctionnements notables, en partie attribués à la « grave crise institutionnelle et financière qu’il a traversée ». En voie d’amélioration, la situation se rétablit toutefois « trop lentement », au point de « porter préjudice aux patients ». Chiffres hautement symboliques : 52 % des infirmiers étaient inscrits sur les listes ordinales en décembre 2020, malgré l’obligation légale ; le taux d’adhésion des hospitaliers était seulement de 31 %. Pour rétablir l’équilibre, la Cour des comptes formule cinq recommandations concrètes*. Faisant amende honorable, l’ONI prend acte de cette décision. Il entend poursuivre et renforcer le dialogue avec les pouvoirs publics pour assurer la mise en œuvre de ces différentes mesures qui nécessiteront des modifications importantes dans le Code de la santé publique… et une vigilance accrue.

Les cinq recommandations de l’IGAS :

  • Instaurer la possibilité d’autoriser un exercice partiel de la profession d’infirmier, après le prononcé d’une sanction ordinale par la SAS ;
  • Rappeler fermement aux établissements employeurs qu’ils ont l’obligation de communiquer trimestriellement le tableau de leurs effectifs à l’Ordre, mais aussi d’informer ARS et préfet des sanctions prononcées contre leurs salariés ;
  • Retracer les cumuls d’activité irréguliers et permettre aux employeurs d’accéder à cette information pour leurs salariés ;
  • Rendre applicable aux employeurs privés l’obligation d’informer l’Ordre des sanctions disciplinaires prononcées contre les infirmiers ;
  • Clarifier les notions de plainte et de réclamation.

Le plan France Relance octroie de nouveaux financements pour la formation continue des aides-soignants, avec la perspective de recruter 1 000 salariés supplémentaires à court terme.

En marge de cette décision, le référentiel métier a également été revu pour créer les conditions opérationnelles du développement de l’apprentissage ; il sera présenté en commission professionnelle consultative ce mois-ci, avant d’être diffusé à l’ensemble des acteurs concernés. Pour rappel, France Relance prévoyait déjà la création de 16 000 places* dans les formations sanitaires et sociales d’ici à 2022, dont 6 600 pour les aides-soignants. Dans le prolongement de ces annonces, les sept fédérations d’employeurs de l’OPCO Santé ont pris deux engagements forts : accueillir 25 000 stagiaires et doubler le nombre d’apprentis dans les deux années à venir… si les freins réglementaires à l’apprentissage sont effectivement levés. Elles ont par ailleurs évoqué la possibilité de recruter plus de 150 000 nouveaux professionnels formés en CDI. Selon leurs estimations, 10 % des postes seraient vacants dans le secteur sanitaire, médico-social et social.

(*) 6 000 places d’infirmiers, 6 600 places d’aides-soignants et 3 400 places d’accompagnants éducatifs et sociaux.

A l’occasion d’un débat organisé fin mars par la mission d’information sur les conditions de la vie étudiante en France, plusieurs experts se sont penchés sur la dégradation de la santé mentale des étudiants. Antérieur à la crise, le phénomène s’est considérablement amplifié depuis plus d’un an.

Présentés en guise d’introduction, les résultats d’une enquête menée par le service de santé universitaire de l’Université Picardie-Jules Verne* laissent peu de place aux doutes : 31 % des répondants déclaraient avoir été dans un état de détresse psychologique au cours des quatre précédentes semaines. Autres chiffres révélateurs : 19 % des personnes interrogées disaient avoir eu des pensées suicidaires durant les douze derniers mois ; 66 % d’entre eux avaient même scénarisé le passage à l’acte…

Au-delà du constat, les différents intervenants ont proposé des solutions concrètes pour sortir de l’ornière. Selon eux, la gravité de la situation exige notamment une réponse rapide, graduée et soutenue dans le temps. Outre un renforcement des moyens financiers dévolus aux structures de prise en charge et d’écoute, l’enjeu consistera également à mieux coordonner les dispositifs existants, au lieu de les empiler.

(*) Cette enquête a été menée auprès de 3 100 étudiants en novembre et en décembre derniers.

La campagne de vaccination pourrait connaître un sérieux coup d’accélérateur dans les semaines à venir. Outre l’élargissement progressif des vaccinateurs, un quatrième vaccin sera prochainement homologué par les autorités sanitaires. Le respect du calendrier gouvernemental reste néanmoins soumis à conditions.

585 000 vaccinations en 72 heures, dont 220 000 en une seule journée. Longtemps balbutiante, la campagne vaccinale est-elle définitivement lancée ? Arguant des « bons chiffres » du week-end dernier, le Premier ministre y voit « une nouvelle étape dans la bataille contre le virus ». Malgré l’optimisme affiché par l’exécutif, la route vers l’immunité populationnelle sera encore longue. Selon l’OMS, ce stade critique ne sera d’ailleurs pas atteint cette année.

Les ambitions gouvernementales n’en restent pas moins intactes, si l’on en croit les dernières prévisions officielles. D’après Jean Castex, dix millions de primo injections seront réalisées d’ici mi-avril, vingt millions d’ici mi-mai et trente millions d’ici l’été. Au regard des performances actuelles, le scénario paraît inenvisageable : quatre millions de personnes ont reçu une première dose ; deux millions ont reçu la seconde1.

Une cible élargie

Pour accélérer la cadence, le gouvernement fait évoluer sa stratégie, notamment quant à l’utilisation du vaccin codéveloppé par l’université d’Oxford et le laboratoire AstraZeneca. Conformément aux recommandations de la HAS, la cible a été élargie aux personnes âgées de 65 à 74 ans. Une condition suspensive a toutefois été fixée : elles devront obligatoirement présenter des comorbidités, susceptibles d’entraîner une forme grave de la maladie (diabète, hypertension artérielle, cancer, insuffisance rénale chronique sévère, trisomie 21…). Autre changement significatif : les pouvoirs publics ont choisi de multiplier les vaccinateurs dans le champ ambulatoire.

Après les médecins libéraux, trois nouvelles professions sont désormais autorisées à vacciner. Selon les termes d’un décret publié le 5 mars2, les infirmiers, les pharmaciens et les sages-femmes peuvent administrer tous les vaccins existants, à l’exclusion des patients allergiques à l’un des composants et des personnes ayant manifesté une réaction anaphylactique lors de la première injection. A noter : les pharmaciens et les sages-femmes bénéficieront aussi d’un droit de prescription exceptionnel3. De leur côté, les infirmiers n’auront plus besoin d’être supervisés par un médecin. Ils devront néanmoins pouvoir s’assurer d’une intervention médicale rapide pour les vaccins à ARN messager.

Des freins multiples

En dépit de ces avancées, le respect calendrier gouvernemental n’est pas garanti pour autant. Principal frein observé depuis le lancement de la campagne vaccinale, le nombre de doses disponibles sera un facteur déterminant. Pour atteindre l’objectif suprême, à savoir vacciner tous les adultes volontaires avant la fin de l’été, les commandes effectuées auprès des différents fournisseurs devront être honorées. Une cadence élevée devra également être maintenue dans la durée. Dans cette optique, l’arrivée d’un quatrième vaccin ne sera pas un luxe. Fabriqué par le laboratoire Johnson & Johnson, il aura une particularité assez singulière : une seule injection suffira à déclencher l’immunité. Le produit vient tout juste d’être homologué par l’Agence européenne du médicament, mais des retards de livraison sont déjà annoncés…

Au-delà des ressources, une problématique lancinante devra impérativement être résolue, celle de la défiance vaccinale chez les professionnels de santé. D’après Santé publique France, certaines corporations se montrent particulièrement hésitantes, à l’instar des aides-soignants, dont les intentions de vaccination s’avèrent relativement faibles (30 %). A titre de comparaison, elles sont à peine plus élevées chez les infirmiers (47 %). Dans une tribune commune, les sept ordres de santé ont récemment lancé un appel à la responsabilité. Ils invitent tous les soignants à se faire vacciner au plus vite, considérant cet acte comme un « devoir déontologique ». Selon Olivier Véran, 70 % d’entre eux n’ont pas encore franchi ce pas décisif…

 

 

Trisomie 21, retard mental, mucoviscidose, insuffisance rénale chronique terminale sous dialyse, cancer du poumon, greffe du rein ou du poumon…

Selon les résultats de la plus vaste étude épidémiologique française menée à ce jour, sept profils de patients sont plus exposés aux formes graves de la Covid-19. Créé par la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie et l’Agence nationale de sécurité du médicament, le groupement scientifique Epi-Phare a analysé les données provenant de 66 millions de Français entre le 15 février et le 15 juin 2020. Parmi les quarante-sept maladies chroniques passées au crible, seule la dyslipidémie – une affection qui se traduit par un excès de graisse dans le sang – n’a pas de conséquences particulières.

Si ces pathologies sont considérées comme une circonstance aggravante, l’âge reste la principale source de complications : le risque d’hospitalisation est multiplié par deux chez une personne de soixante ans ; le risque de décès est multiplié douze entre les 40-44 ans et les 60-64 ans. Autre constat effectué : les femmes sont plus résistantes que les hommes face au virus.

NB : Selon Epi-Phare, la présence d’un diabète augmente le risque d’hospitalisation de 64 % et le risque de décès de 75 %.

Une première session de formation aux usages de l’intelligence artificielle a été organisée début mars dans tous les instituts paramédicaux de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Annoncé lors des Assises régionales de la santé il y a quinze mois, ce programme thématique doit permettre de sensibiliser les formateurs et les étudiants aux enjeux professionnels, éthiques et médicaux de l’IA. Pour accompagner la transformation des apprentissages et des métiers, cette initiative sera prolongée dans le temps. Au cours du semestre, des contenus spécifiques seront notamment déployés à l’attention des infirmiers de pratique avancée. D’ici au mois de janvier prochain, une formation en ligne sera accessible à tous les étudiants en soins infirmiers de troisième année.

Première européenne à l’échelle d’une région, ce programme a été mis en œuvre par Ethik-IA, une initiative académique et citoyenne qui cherche à promouvoir un mode de régulation positif des algorithmes en santé, fondé sur la garantie humaine.

Privés de cours, de ressources et de vie sociale, les étudiants sont à l’agonie. Au-delà du constat, très largement partagé, le CNA Santé* formule dix propositions concrètes pour sortir de l’ornière.

Certaines d’entre elles pourraient être appliquées immédiatement, sans ressources financières particulières. Parmi elles, citons le respect du temps de travail, la répression des actes de maltraitance ou encore le retour de tous les étudiants à l’université, quitte à privilégier les enseignements à l’extérieur. Toutes aussi urgentes, d’autres propositions nécessiteront des financements plus conséquents. Le CNA Santé suggère notamment de renforcer massivement les aides sociales, d’aider financièrement les structures d’accompagnement des étudiants et de former les tuteurs en conséquence. Il préconise également la mise en place d’une véritable politique de prévention des risques psycho-sociaux et des suicides.

(*) Centre national d’appui à la qualité de vie des étudiants en santé – CNA Santé.

Depuis le 21 janvier, toute personne testée positive à la Covid-19 se voit proposer la visite à domicile d’un infirmier libéral par les services de l’Assurance maladie.

Cinq semaines après le lancement de ce dispositif exceptionnel, 40 000 visites ont déjà été réalisées. Selon les premières données communiquées par la Cnam, 15 % des patients souhaitent bénéficier de ce service ; un chiffre qui a doublé en l’espace d’un mois. Chez les personnes infectées par les variants les plus contagieux, cette proportion est même deux fois plus élevée. A noter : la visite est automatiquement programmée au début de la phase de « quarantaine ». Gratuite et sans avance de frais, elle doit notamment permettre d’expliquer les consignes d’isolement et de rappeler les gestes barrières. Elle doit également permettre d’identifier les situations de vulnérabilité et les besoins matériels éventuels (démarches administratives, aide à domicile, repas, portage de courses ou de médicaments, accès aux communications électroniques, soutien psychologique…).

A toute fin utile, un test de dépistage est proposé à tous les membres du foyer. Dans tous les cas, un compte-rendu est systématiquement transmis au médecin traitant du patient.

NB : Fin février, 33 000 infirmiers libéraux étaient inscrits sur une plateforme publique, destinée à organiser ces visites d’appui à l’isolement.

L’ONI, l’Institut et Haute Ecole de la Santé La Source de Lausanne et l’Université Libre de Bruxelles viennent de lancer une grande étude longitudinale auprès des infirmiers français, suisses et belges.

L’objectif consiste notamment à identifier les « facteurs protecteurs » sur lesquels la profession peut s’appuyer en période de crise. Il consiste également à proposer des solutions adaptées pour préserver la santé et le bien-être des infirmiers. Un bilan quantitatif et qualitatif sera effectué dans deux ans, à l’issue de la phase d’enquête.

En pleine détresse psychologique, la profession subit les affres de la pandémie. Selon l’ONI, cette situation tient essentiellement à un manque criant d’effectifs, à une charge de travail toujours plus lourde et à des conditions d’exercice dégradées. En octobre dernier (voir notre article), 57 % des infirmiers se disaient en situation d’épuisement professionnel. Un phénomène largement aggravé par la crise sanitaire.