Le gouvernement va revaloriser les salaires des soignants dans les établissements de santé, notamment le soir, le dimanche et les jours fériés. Ces mesures tarifaires suscitent des réactions mitigées, mais aussi la colère des acteurs du privé et des libéraux de santé.
Les urgences ont chauffé cet été, mais elles n’ont pas brûlé. Comme un symbole, Elisabeth Borne s’est rendue au CHU de Rouen pour sa rentrée politique dans le champ de la santé. Très attendue, la Première ministre a dévoilé quatre grandes mesures qui entreront en vigueur le 1er janvier : la majoration de 25 % du salaire des infirmiers et des aides-soignants pour le travail de nuit ; l’augmentation de 20 % de l’indemnité forfaitaire du travail le dimanche et les jours fériés pour les professionnels non médicaux ; la hausse de 50 % du tarif des gardes médicales ; la convergence de la rémunération des astreintes entre les praticiens hospitaliers du public et du privé. A noter : les acteurs du secteur privé associatif font partie de ce plan.
Mises bout à bout, ces avancées tarifaires représentent un investissement de 1,1 milliard d’euros par an, soit 500 millions de crédits nouveaux et 600 millions pour la pérennisation de dispositifs existants, qui seront inscrits dans le PLFSS 2024. Selon Matignon, ce « choc d’attractivité » doit permettre de « fidéliser les soignants » et de « limiter la concurrence entre les établissements de santé ». A tout le moins, le modèle proposé est jugé « beaucoup plus avantageux » que celui de la mission flash lancée par François Braun en juillet 2022… et dont les mesures ont été prorogées jusqu’au 31 décembre.
Des réactions mitigées
Entre satisfaction, circonspection et frustration, ces annonces ont suscité des réactions diverses. Plutôt modérée, la Fédération hospitalière de France se félicite d’avoir été entendue, salue un « signe fort » envers les soignants et le service public hospitalier, mais pose ouvertement ses conditions : « Ces dispositions ne suffiront pas, à elles seules, à répondre aux problématiques d’attractivité et de fidélisation dans les hôpitaux, qui demeurent l’enjeu prioritaire pour le système de santé, mais elles y contribuent. La FHF sera particulièrement vigilante quant au financement intégral de ces mesures, dans un contexte budgétaire très difficile pour les établissements », souligne l’organisation. Dans le cadre du PLFSS 2024, elle demande près de cinq milliards d’euros supplémentaires pour soutenir l’hôpital.
Plus critiques, certains syndicats de soignants réclament des évolutions structurelles sur le management, le recrutement et la qualité de vie des professionnels de santé au travail, à l’instar de Samu-Urgences de France, quand d’autres pointent les écarts salariaux entre les infirmiers français et leurs homologues européens. Selon le SNPI, la rémunération varie du simple au double entre la France et la Suisse. Elle est aussi 30 % plus élevée en Belgique.
La colère du privé
Fustigeant une véritable inégalité de traitement, la FHP est rapidement montée au créneau. « Il est incompréhensible que les soignants des cliniques et des hôpitaux privés ne soient pas concernés par ces mesures ! Ils exercent pourtant les mêmes missions au service des mêmes patients que leurs collègues de l’hôpital public et, contrairement aux idées reçues, ils sont déjà moins bien rémunérés aujourd’hui », affirme Lamine Gharbi, son président, qui plaide pour une harmonisation des conditions salariales de l’ensemble des soignants dans une conjoncture « particulièrement difficile » en raison de l’inflation et de la pénurie de personnel. « Il est vital de renforcer et non d’affaiblir l’équité entre les acteurs : c’est une question de cohérence politique et de survie de notre système de santé », conclut-il.
Pour des raisons semblables, la colère monte également chez les professionnels libéraux, déjà exclus du Ségur de la santé. Profondément marqués par l’échec des dernières négociations conventionnelles, les médecins de ville organisent la riposte. Plusieurs syndicats représentatifs appellent à une grève généralisée le 13 octobre prochain. Ils exigent la reprise des discussions avec l’assurance maladie et des moyens financiers conséquents pour soigner davantage de patients.
Photo : Philippe Chagnon / Cocktail Santé