Interview donnée par Florence Girard dans Hospimédia dans le prolongement de nos Journées d’Etudes. Publié le 06/12/17

« L’intégration des formations à l’université implique de repenser le métier de directeur d’institut »


Quel rôle pour les directeurs d’institut de formation aux métiers de la santé au sein des universités ? Leur association nationale s’est posé la question et livre une réflexion sur le métier de demain. Florence Girard, sa présidente, présente à Hospimedia les grandes lignes de cette réflexion, qui éclaire aussi sur l’avenir des formations.

Hospimedia : « L’Association nationale des directeurs d’écoles paramédicales (Andep), que vous présidez, vient de présenter, lors de ses journées d’études des 27 et 28 novembre, une réflexion, sur le rôle des directeurs d’instituts de formation aux métiers de la santé pour demain. Comment est né ce travail ?

Florence Girard : Il vient à la suite de deux travaux déjà conduits. Le premier est un travail sur « les points de repères », datant de 2012. Il s’agissait de voir comment, à l’horizon 2020, les structures de formation et les formations paramédicales elles-mêmes pourraient évoluer. Puis une deuxième réflexion, en 2015-2016, portait sur des scénarios d’organisation des structures de formation, avec une évaluation de l’impact de chacune de ces structures sur le maillage territorial, la gouvernance et la fonction de directeur. Nous avons alors remarqué que la fonction de directeur allait devoir évoluer aussi : si nos formations sont intégrées à l’université, nous n’aurons pas forcément notre place. La question s’est donc posée : quel sera le rôle du directeur de demain ? Une fois ce rôle et ces missions établis, nous pouvons voir comment l’intégrer à l’université. D’autant que les « fonctions cadres » sont souvent évoquées, et finalement cela intègre les directeurs d’instituts, qui n’ont pas les mêmes missions que les cadres formateurs par exemple. Nous avons décidé de prendre le leadership.

« Nous voulions repenser le métier par nos missions et nos fonctions, pour voir comment elles pourraient s’intégrer dans un autre système qu’est le système universitaire. »

H. : Cela passe-t-il par un changement de statut pour les directeurs ?

F. G. : La question ne se pose pas vraiment de cette manière. L’intégration universitaire de la formation implique de penser tellement de changements ! Nous voyons bien que les statuts de nos formateurs devront changer. En conséquence, on s’interroge nous aussi sur notre cas… Tels que sont faits les instituts actuellement, il y a une différenciation enseignant/directeur, une distinction qui n’existe pas à l’université. On peut très bien être à la tête d’un département avec un statut d’enseignant-chercheur. Nous ne voulions pas, dans notre réflexion, raisonner en termes de statut. Parce que dans notre association, nous avons des directeurs du public et des directeurs du privé, qui ont donc des statuts différents. Nous voulions par conséquent passer en priorité par la spécificité de

nos missions et de nos fonctions, pour voir comment elles pourraient s’intégrer dans un autre système qu’est le système universitaire.

H. : Cette réflexion a débouché sur la distinction de différents profils…

F. G. : Nous avons déterminé quatre métiers du directeur d’institut. Ils sont complémentaires les uns avec les autres. Avec aujourd’hui un métier qui chapeaute d’ailleurs tous les autres : le directeur d’institut de formation des métiers de la santé. Nous avons distingué aussi le directeur du département d’institut de formation, qui aurait lui des missions plus pédagogiques, puis le directeur de la recherche pour développer la recherche dans nos formations et être dans une recherche académique pour acquérir des connaissances reconnues. Et enfin le directeur du développement commercial et des partenariats : son rôle est nécessaire pour avoir des budgets et gérer tout partenariat. À partir d’un métier global tel que nous le connaissons — ces fonctions existent déjà en réalité dans certaines structures mais ne sont pas qualifiées de « directeur » pour autant — il s’agira de valoriser la diversité des missions.

H. : Concevez-vous des passerelles entre ces différents métiers ?

F. G. : C’est tout le travail à faire autour de la formation. Mais selon notre conception de l’avenir, il y aura des compétences communes bien évidemment. Nous sommes partout à l’heure du décloisonnement, il n’est donc pas question pour nous de cloisonner. Il faudrait bien sûr des passerelles possibles. Par exemple, pour le directeur de la recherche, il faudrait un directeur qui soit issu de la filière paramédicale et titulaire d’un doctorat. La passerelle ne pourrait se faire qu’à ce prix-là, mais elle serait possible. Cela donnera du souffle à nos métiers de directeur. Aujourd’hui, la seule perspective en tant que directeur est de devenir conseiller pédagogique.

« L’intégration des filières paramédicales à l’université est une opportunité à la condition que cela s’anticipe et se fasse dans de bonnes conditions. Nous voulons participer, être partie prenante des décisions. »

H. : L’intégration à l’université est donc une opportunité aussi pour les métiers de direction d’institut ?

F.G. : Oui tout à fait, à la condition que cela s’anticipe et se fasse dans de bonnes conditions. Nous voulons participer, être partie prenante des décisions. Pour créer de réelles filières de formation et non simplement un nouveau « M » et un nouveau « D » [pour master et doctorat], il y a à trouver un juste équilibre entre l’affirmation d’une identité de chaque discipline et l’ouverture aux autres dans le cadre de la pluridisciplinarité. Tous les acteurs ont un rôle à jouer dans cette réflexion. L’avenir passe par un travail titanesque et collectif pour penser et organiser le paramédical à l’université. Ce travail va prendre du temps, même s’il est déjà bien commencé. Nous avons fourni là une production qui montre le rapprochement qu’il peut y avoir entre les différentes filières et l’université. Nous montrons aussi par cette réflexion notre envie de travailler collectivement. Au-delà des mots, il faut passer à la réalité

H. : Il vous faut maintenant faire connaître ce travail. Comment envisagez-vous la suite ?

F. G. : En parallèle, nous avons établi une stratégie pour faire connaître cette réflexion. L’objectif est en effet de la déployer et d’en discuter avec des partenaires, dont certains étaient présents lors de nos journées d’études : l’École des hautes études en santé publique (EHESP), les conférences des universités et des doyens, les ministères respectifs de tutelle, le chargé de mission sur l’universitarisation des formations paramédicales, Stéphane Le Bouler (lire notre article) et le Centre national de gestion (CNG). C’est tout le système de la formation qui est actuellement en

concertation. Nous prenons une part très importante à toutes ces concertations. Que ce soit l’intégration à l’université, mais aussi la réingénierie des formations paramédicales. Nous sommes impliqués dans les groupes de travail des puériculteurs, des infirmiers de bloc opératoire, aides-soignants et auxiliaires de puériculture. Notamment lorsque les travaux de référentiels de formation débuteront, nous y serons associés. Nous avons enfin pris une part très importante à l’évolution sur la gouvernance des instituts, nous espérons que ce texte sera amené à évoluer avec l’intégration universitaire.

« Il est intéressant aussi de ne pas voir les formations paramédicales en silo mais de façon plus interdisciplinaire, pour répondre aux besoins de santé de la population. Nous sommes en première ligne pour le faire et sortir d’une vision hiérarchique vers une vision transversale. »

H. : Lors de ses journées d’études, l’Andep a également mis en avant la notion de territoire. Quel est l’impact de cette notion sur le métier de directeur d’institut ?

F. G. : Il est aussi important de travailler l’intégration à l’université par rapport aux territoires. Il faut le voir sous un angle général, mais aussi par rapport à nos territoires respectifs. Il va y avoir sans doute des orientations très globales mais qui devront être déclinées dans une stratégie territoriale. C’est un élément essentiel. Concernant les groupements hospitaliers de territoire (GHT), ils ont été mis en place par rapport aux parcours de santé des patients, ce qui est parfois compliqué pour les parcours de formation des étudiants. Les GHT ne se superposent pas toujours avec les territoires universitaires. C’est une couche supplémentaire au millefeuille que nous connaissons déjà au niveau des organisations, mais qui vient parfois bien complexifier nos systèmes tutélaires et nos relations, sans apporter vraiment un plus dans les formations. Il est intéressant aussi de ne pas voir les formations paramédicales en silo mais de façon plus interdisciplinaire, pour répondre aux besoins de santé de la population. Nous sommes en première ligne pour le faire et sortir d’une vision hiérarchique vers une vision transversale. C’est aussi le message que nous avons voulu faire passer dans notre travail. »

Propos recueillis par Clémence Nayrac

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