Profonde et durable, la crise sanitaire impacte lourdement les instituts de formation paramédicale… et leurs étudiants. Au-delà du constat, les différents participants des vingt-troisièmes journées de l’ANdEP ont proposé des solutions concrètes pour sortir de l’ornière. Morceaux choisis.
La pandémie a bouleversé les codes de l’apprentissage. « Nous sommes dans une zone de transition. Nous avons quitté un existant que nous connaissions bien pour aller vers un inconnu que nous ne maîtrisons pas ». Dirigeant d’entreprise, consultant, chercheur et formateur associé au sein de la Chaire ESSEC du changement, Christophe Derumez résume les enjeux en présence. Depuis plus d’un an, les instituts de formation paramédicale sont contraints de composer avec l’incertitude. Condamnés à innover, ils ont dû adapter leurs méthodes pédagogiques, non sans difficultés. Régulièrement mobilisés, nombre d’étudiants ont vu leur formation impactée. Ils s’inquiètent aujourd’hui pour leur avenir.
Organisées à distance, les vingt-troisièmes journées de l’ANdEP auront permis de dresser un bilan circonstancié de cette période troublée, mais aussi de dégager des pistes concrètes pour préparer le « monde d’après ». Une chose est sûre : le numérique n’est pas un remède miracle. Le facteur humain restera prépondérant. Peut-être plus encore qu’auparavant…
Un constat implacable
Mis à rude épreuve ces derniers mois, le fonctionnement des instituts de formation devra gagner en « simplexité », comme le soulignait Christophe Derumez, lors de son intervention. Tous les membres de l’écosystème devront également apprendre à travailler ensemble pour le bien commun. La mutualisation sera une notion essentielle. « Nous devrons partager les informations, les contenus, les compétences, les expériences et les outils. Il nous faudra agir de manière simple, efficace et transparente », recommande Florence Girard, présidente de l’ANdEP, qui intègre pleinement les étudiants dans cette « vision collégiale » de l’enseignement.
Questionné par la crise, le management devra naturellement évoluer en conséquence. « Il nous appartiendra de trouver un équilibre paradoxal entre la peur de l’échec et l’envie de mieux faire. Nous devrons interroger nos pratiques et prioriser nos tâches pour créer un climat de confiance dans nos établissements. Il nous revient de montrer la voie et de donner l’exemple. » L’agilité et la réactivité seront des valeurs de référence.
Une quête initiatique
Empreinte de résilience, cette introspection sera salvatrice pour les formateurs, dont le moral s’est considérablement dégradé ces derniers mois. « Cette problématique devra être traitée de façon systémique. Des moyens importants devront être déployés dans la durée », prévient Florence Girard. Plus largement, la profession devra resserrer les rangs. Les principaux intéressés devront se mettre au diapason : « Nous ne connaissons pas – ou très mal – les missions et les activités des formateurs… »
Directeurs d’institut, équipes pédagogiques, professionnels de santé, étudiants… Une concertation poly-catégorielle devra être rapidement engagée pour créer les conditions d’un « meilleur agir ». Une reconnaissance et une revalorisation du tutorat paraît tout aussi indispensable, ne serait-ce que pour multiplier les terrains de stage, actuellement « très insuffisants ». Selon Florence Girard, cet « élément facilitateur de l’apprentissage » doit être intégré dans la politique globale des établissements de santé.
Des attentes claires
Les pistes d’amélioration ne manquent pas. Actualité brûlante, symbole d’un mal-être grandissant, la qualité de vie des étudiants mérite des réponses appropriées. « La santé étudiante doit être appréhendée de manière holistique, en analysant tous ses déterminants. Nos difficultés ne se réduisent pas à la pandémie. Elles ont commencé bien avant ! », rappelle Mamadou Ndoye, vice-président de la FAGE*, en charge des affaires liées à la santé. Parmi d’autres revendications, il suggère notamment de donner une véritable structure juridique au CNA**. Il réclame également « une sanctuarisation de la formation », validée par des textes officiels, surtout en période de crise.
De ce point de vue, le maintien du dialogue sera un paramètre déterminant : « Nous devrons échanger plus régulièrement avec les tutelles dans une logique de co-construction ». Un sujet nécessitera une attention particulière, celui de l’interprofessionnalité. « Le décloisonnement des filières sera incontournable pour envisager convenablement la chose », estime-t-il.
Cap sur la pluridisciplinarité !
Les professionnels du secteur de la formation n’y sont pas opposés, bien au contraire. « Il faut impérativement croiser les regards, les expertises et les expériences », assure Nicolas Brisseaux, masseur-kinésithérapeute et formateur à l’IFMK de l’Ecole d’Assas. Selon lui, la pluridisciplinarité, la mutualisation et la confiance seront les trois leviers de la transformation. « Nous avons beaucoup de choses à apprendre les uns des autres. Nous devrons être capables de nous écouter, de nous parler et de nous soutenir », confirme Mathilde Valy, cadre de santé et formatrice au sein de l’IFSI-IFAS de Montélimar, un centre de formation public rattaché au groupement hospitalier Portes de Provence.
Certains ajustements réglementaires seront toutefois indispensables pour concrétiser ces bonnes intentions. « Les compétences collaboratives devront être inscrites dans nos référentiels », affirme Catherine Muller, directrice de l’Ecole régionale des infirmiers anesthésistes du CHRU de Nancy. En guise de conclusion, elle prodigue quelques conseils pour traverser les temps à venir avec sérénité : capitaliser sur les connaissances acquises pendant la crise, repenser les aspects pédagogiques en profondeur, promouvoir les activités confraternelles et viser l’être bien… plutôt que le bien-être.
(*) Fédération des associations générales étudiantes – FAGE.
(**) Centre national d’appui à la qualité de vie des étudiants en santé – CNA.