Dans un contexte de crise sanitaire et budgétaire, Emmanuel Macron devra rapidement lancer plusieurs chantiers prioritaires. Promesse de campagne, la « conférence des parties prenantes » devra impérativement se traduire par des objectifs concrets et des moyens chiffrés, notamment pour l’hôpital.
Taxé d’immobilisme, Emmanuel Macron brille pour l’instant par sa discrétion. Accès aux soins, prévention, dépendance… Certains chantiers confinent pourtant à l’urgence. Promesse de campagne, la grande « conférence des parties prenantes » devra rapidement se traduire par des objectifs concrets et des moyens chiffrés. Une donnée symbolique illustre l’ampleur de la tâche : six millions de Français n’ont pas de médecin traitant. Des mesures structurelles seront indispensables pour réduire les pertes de chance, en particulier dans les territoires les plus isolés. Autre enjeu critique, la prévention sera-t-elle enfin traitée comme une priorité publique ? L’intitulé du ministère marque une franche rupture idéologique. Derrière l’affichage politique, le nouveau gouvernement devra dévoiler sa stratégie et investir massivement, quitte à solliciter les assureurs complémentaires*. Maintes fois reportée, la réforme du grand âge ne pourra pas non plus être éludée, notamment dans ses dimensions économiques et organisationnelles. Comment financer le progrès sans creuser la dette ? L’équation relève du casse-tête budgétaire, maîtrise du déficit oblige. Les experts sont formels : la santé devra être considérée comme un investissement, et non plus comme un coût.
Une nouvelle crise des urgences…
En dépit des sommes colossales investies, soit près de trente milliards d’euros, le Ségur de la santé n’a pas pu colmater toutes les brèches. Faute de moyens humains, techniques et financiers, l’hôpital agonise. Surmenage, absentéisme, insécurité… Les causes du malaise sont profondes et durables. La pandémie n’a rien arrangé, bien au contraire. Frappés par le syndrome de la grande démission, certains services manquent de bras et sont condamnés à la fermeture. A l’approche de la période estivale, plusieurs voix s’élèvent pour annoncer le pire. « Il y aura des morts cet été », prédisait Frédéric Adnet, chef des urgences de l’hôpital Avicenne, dans une tribune publiée début juin par Le Monde. Pour apaiser les esprits, Emmanuel Macron a commandé une mission flash, dont les conclusions sont attendues en juillet. Confiée au Dr François Braun, l’un des trois référents santé de sa campagne électorale, elle devra notamment permettre de cartographier les déserts médicaux, territoire par territoire. Le président de Samu-Urgences de France devra également proposer des solutions opérationnelles pour faciliter l’accès aux soins urgents et aux soins non programmés, en lien avec la médecine de ville. Une chose est sûre : une nouvelle crise sanitaire serait particulièrement malvenue.
Redonner du sens aux métiers du soin
Pour beaucoup, le désamour profond des personnels hospitaliers résulte d’une gestion déshumanisée. Organisations déficientes, pressions sur les coûts, défauts de coordination, salaires indécents, conditions d’exercice dégradées… Le moral des soignants est au plus bas. Physique et psychique, cette souffrance est accentuée par un manque de reconnaissance. Délétère, ce climat altère la qualité du service rendu à la population. Il explique aussi les nombreux postes vacants qui ne trouvent pas preneur. Au bord de l’épuisement professionnel, les aides-soignants et les infirmiers sont les premières victimes du système. Perçue comme un facteur d’attractivité majeur, leur rémunération devra être significativement réévaluée. Pour autant, l’argument financier ne sera pas suffisant pour attirer et fidéliser de nouvelles ressources. Pour pallier les difficultés de recrutement observées, les pouvoirs publics devront surtout redonner du sens aux métiers du soin, y compris dans le champ médico-social. Le scandale Orpea a démontré les failles d’un modèle obsolète, avant tout guidé par des impératifs de rentabilité. Le facteur humain devra être impérativement replacé au centre des priorités. L’utilité sociale devra être davantage valorisée.
(*) Selon la Drees, la prévention institutionnelle représente moins de 2 % des dépenses de santé.