L’inspection générale des affaires sociales préconise de renforcer le statut, le pouvoir et la rémunération des infirmiers de pratique avancée. Tranchée, cette prise de position soulève un tollé dans le corps médical. Explications.
La nouvelle a fait grand bruit. Dans un rapport publié début janvier*, l’IGAS propose d’étendre et de valoriser les pratiques avancées plutôt que de créer une nouvelle profession intermédiaire, à mi-chemin entre le médecin et l’infirmier. Lancée en mai dernier, à la demande d’Olivier Véran, cette mission dessine des perspectives de moyen et long terme visant à approfondir significativement la voie des partages de compétences dans un cadre coordonné et cohérent. A l’issue d’une consultation menée auprès de 200 experts, l’instance formule une quarantaine de recommandations pratiques. Elle préconise notamment d’ouvrir la primo-prescription, de renforcer les aides à l’installation et de soutenir la formation. Elle suggère également de faciliter l’accès direct de la population à la profession, en supprimant la notion de « patient confié par le médecin » dans les textes. Déplorant un modèle économique inadapté et sous-dimensionné, elle recommande de mieux rémunérer les IPA.
Deux valences distinctes
Autre proposition forte : l’IGAS juge pertinent de distinguer deux types de pratiques avancées, l’une pour les soins primaires et l’autre pour les soins spécialisés. Dans le scénario envisagé, les IPA praticiens interviendraient dans la prise en charge des pathologies courantes et bénignes. Acteurs de premier recours, ils pourraient avoir une patientèle propre et prescrire certains soins. Selon les auteurs du rapport, ils pourraient améliorer l’offre de soins dans les territoires et libérer du temps médical. Dans les établissements de santé, les IPA spécialisés bénéficieraient quant à eux de prérogatives renforcées. Outre une meilleure rémunération, la mise en place de ce régime intermédiaire permettrait également de revaloriser les statuts et les diplômes. Un objectif d’harmonisation pour l’ensemble des auxiliaires médicaux en grade master est d’ailleurs évoqué. A noter : l’IGAS plaide ouvertement pour la création d’une mention « anesthésie », en assouplissant à titre transitoire la condition législative d’un diplôme délivré par l’université.
Levée de boucliers
Tranchées, ces prises de position soulèvent un tollé dans le corps médical qui redoute une démédicalisation de la médecine. Dans un courrier adressé au ministre des Solidarités et de la Santé, le Conseil national professionnel d’anesthésie-réanimation et de médecine péri-opératoire dénonce un rapport à charge, rédigé de manière partisane et non professionnelle. Il pointe également ses insuffisances. « Cette vision témoigne d’une méconnaissance des liens, des organisations et des textes qui régissent la pratique de l’anesthésie en France. Nombre d’assertions ne reposent sur aucune donnée chiffrée, sur des lobbies internationaux sans légitimité, voire sur des informations fausses », commentent ses auteurs. Favorables à l’adoption d’un statut particulier valorisant les compétences des IADE et l’excellence de leur formation, ils posent toutefois une condition sine qua non à cette évolution. Elle devra impérativement s’inscrire dans le cadre d’une délégation et non d’un transfert de tâches qui garantit la sécurité du patient… sous responsabilité médicale.
(*) « Trajectoires pour de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé », IGAS (novembre 2021).