Les trente-trois mesures du Ségur de la santé n’ont pas comblé toutes les attentes des soignants, malgré les réformes salariales et professionnelles entérinées. Globalement déçues du contenu, les professions paramédicales ont néanmoins obtenu quelques avancées, notamment dans le champ de la formation, de l’enseignement et de la recherche.
Le verdict est tombé le 21 juillet dernier. Lancé deux mois plus tôt, le Ségur de la santé aura finalement accouché de trente-trois mesures, sensées redynamiser un système de soins à bout de souffle. Sous-représentées dans les discussions, les professions paramédicales ont partiellement obtenu gain de cause, notamment sur la question financière. Historique pour certains, insuffisant pour d’autres… 7,6 milliards d’euros seront consacrés chaque année à la revalorisation de l’ensemble des métiers non-médicaux dans les établissements de santé et médico-sociaux des secteurs publics et privés. Cette somme permettra également de créer 15 000 postes, destinés à pourvoir les emplois vacants et combler les besoins en matière de recrutement ou de remplacement. Officiellement signés le 13 juillet, les accords sur la fonction publique hospitalière se traduiront concrètement par une revalorisation socle (183 euros nets/mois dans le public ; 160 euros nets/mois dans le privé), une révision des grilles de salaires pour certains métiers comme les aides-soignants et les infirmiers (35 euros nets/mois), une prime d’engagement collectif (100 euros nets/mois) ou encore de nouvelles majorations pour les heures supplémentaires, le travail de nuit et les jours fériés.
A noter : les 106 000 étudiants de la branche paramédicale ne seront pas en reste. Dans le cadre d’un investissement complémentaire*, les futurs infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, manipulateurs d’électroradiologie médicale et ergothérapeutes verront leurs indemnités de stage revalorisées à hauteur de 20 %.
Des avancées notables
Une fois n’est pas coutume, la formation occupera une place centrale dans la réforme systémique qui s’annonce. Le Ségur de la santé prévoit notamment d’augmenter le nombre de de professionnels paramédicaux formés chaque année, après concertation avec les régions. D’ici à 2025, les capacités d’accueil des IFSI seront progressivement élargies… de 5 à 10 %**.
Idem pour les IFAS, où le nombre d’admissions est amené à doubler au cours des cinq prochaines années. Autre avancée notable : les conditions d’accès au métier d’infirmier de pratique avancée seront simplifiées et renforcées, avec un objectif de 5 000 IPA formés en 2024 (3 000 en 2022).
Plébiscité par l’exécutif, le processus d’universitarisation des professions paramédicales et de maïeutique prendra une tournure plus concrète. A titre d’exemple, une campagne de recrutement des professionnels de santé accédant au statut d’enseignant universitaire (associés et titulaires) sera initiée dès cette rentrée. Pas moins de 250 postes seront ouverts dans les cinq ans à venir. Inédite et innovante, la mesure devrait permettre de promouvoir et de faciliter la recherche en sciences infirmières. Dans un autre registre, le lancement d’une réflexion sur la création d’une profession médicale intermédiaire en milieu hospitalier suscite de nombreux espoirs, en particulier du côté de l’Ordre national des infirmiers, qui sera associé à cette concertation.
Un bilan mitigé
Optimiste mais prudent, l’ONI salue d’ailleurs la reprise de certaines de ses propositions en faveur d’un système de soins « plus efficace, plus durable et plus humain ». Plusieurs dispositions nécessiteront cependant un suivi régulier dans le temps. Augmentation du nombre d’infirmiers de jour comme de nuit, poursuite du processus d’universitarisation, développement de la télésanté, reconnaissance du rôle des IPA dans les soins de premier recours, amélioration de la représentation des infirmiers dans la gouvernance du système de santé, création d’une nouvelle profession médicale intermédiaire en milieu hospitalier : l’instance ne manque pas d’idées ni de nouveaux projets pour alimenter le Ségur de la santé publique qui devrait avoir lieu dans les prochaines semaines.
Nettement plus critique, le SNIIL*** dresse un bilan « décevant et minimaliste » de la réforme, exception faite de l’accord relatif à la fonction publique, qu’il juge néanmoins perfectible. Selon le syndicat professionnel, le Ségur de la santé tient plus du « réchauffé et du déjà-vu que du renouveau », citant notamment les exemples des IPA, de la télésanté ou de l’exercice coordonné. Outre une vision très hospitalo-centrée du système de soins, le SNIIL regrette « un vrai manque de courage politique » et « une absence totale de réflexion », fustigeant par ailleurs le mépris du gouvernement à l’encontre des infirmiers, dont la participation à la gestion de crise a été minimisée… voire ignorée.