La campagne de vaccination pourrait connaître un sérieux coup d’accélérateur dans les semaines à venir. Outre l’élargissement progressif des vaccinateurs, un quatrième vaccin sera prochainement homologué par les autorités sanitaires. Le respect du calendrier gouvernemental reste néanmoins soumis à conditions.
585 000 vaccinations en 72 heures, dont 220 000 en une seule journée. Longtemps balbutiante, la campagne vaccinale est-elle définitivement lancée ? Arguant des « bons chiffres » du week-end dernier, le Premier ministre y voit « une nouvelle étape dans la bataille contre le virus ». Malgré l’optimisme affiché par l’exécutif, la route vers l’immunité populationnelle sera encore longue. Selon l’OMS, ce stade critique ne sera d’ailleurs pas atteint cette année.
Les ambitions gouvernementales n’en restent pas moins intactes, si l’on en croit les dernières prévisions officielles. D’après Jean Castex, dix millions de primo injections seront réalisées d’ici mi-avril, vingt millions d’ici mi-mai et trente millions d’ici l’été. Au regard des performances actuelles, le scénario paraît inenvisageable : quatre millions de personnes ont reçu une première dose ; deux millions ont reçu la seconde1.
Une cible élargie
Pour accélérer la cadence, le gouvernement fait évoluer sa stratégie, notamment quant à l’utilisation du vaccin codéveloppé par l’université d’Oxford et le laboratoire AstraZeneca. Conformément aux recommandations de la HAS, la cible a été élargie aux personnes âgées de 65 à 74 ans. Une condition suspensive a toutefois été fixée : elles devront obligatoirement présenter des comorbidités, susceptibles d’entraîner une forme grave de la maladie (diabète, hypertension artérielle, cancer, insuffisance rénale chronique sévère, trisomie 21…). Autre changement significatif : les pouvoirs publics ont choisi de multiplier les vaccinateurs dans le champ ambulatoire.
Après les médecins libéraux, trois nouvelles professions sont désormais autorisées à vacciner. Selon les termes d’un décret publié le 5 mars2, les infirmiers, les pharmaciens et les sages-femmes peuvent administrer tous les vaccins existants, à l’exclusion des patients allergiques à l’un des composants et des personnes ayant manifesté une réaction anaphylactique lors de la première injection. A noter : les pharmaciens et les sages-femmes bénéficieront aussi d’un droit de prescription exceptionnel3. De leur côté, les infirmiers n’auront plus besoin d’être supervisés par un médecin. Ils devront néanmoins pouvoir s’assurer d’une intervention médicale rapide pour les vaccins à ARN messager.
Des freins multiples
En dépit de ces avancées, le respect calendrier gouvernemental n’est pas garanti pour autant. Principal frein observé depuis le lancement de la campagne vaccinale, le nombre de doses disponibles sera un facteur déterminant. Pour atteindre l’objectif suprême, à savoir vacciner tous les adultes volontaires avant la fin de l’été, les commandes effectuées auprès des différents fournisseurs devront être honorées. Une cadence élevée devra également être maintenue dans la durée. Dans cette optique, l’arrivée d’un quatrième vaccin ne sera pas un luxe. Fabriqué par le laboratoire Johnson & Johnson, il aura une particularité assez singulière : une seule injection suffira à déclencher l’immunité. Le produit vient tout juste d’être homologué par l’Agence européenne du médicament, mais des retards de livraison sont déjà annoncés…
Au-delà des ressources, une problématique lancinante devra impérativement être résolue, celle de la défiance vaccinale chez les professionnels de santé. D’après Santé publique France, certaines corporations se montrent particulièrement hésitantes, à l’instar des aides-soignants, dont les intentions de vaccination s’avèrent relativement faibles (30 %). A titre de comparaison, elles sont à peine plus élevées chez les infirmiers (47 %). Dans une tribune commune, les sept ordres de santé ont récemment lancé un appel à la responsabilité. Ils invitent tous les soignants à se faire vacciner au plus vite, considérant cet acte comme un « devoir déontologique ». Selon Olivier Véran, 70 % d’entre eux n’ont pas encore franchi ce pas décisif…